La semaine économique commentée par El Kadi Ihsane.
Abdelmalek Sellal débute une visite officielle en Chine ce mardi. C’est l’occasion de faire le point sur la relation économique entre l’Algérie et la Chine. Il est possible de la résumer cyniquement en un seul chiffre : 6,4 milliards de dollars. C’est le montant du déficit de la balance commerciale bilatérale en 2014. 8,2 milliards de dollars d’exportation de la Chine vers l’Algérie pour un flux inverse de 1,8 milliard de dollars. Et les services ne sont pas visibles dans cette balance. Ils rendent le déséquilibre supérieur à 10 milliards de dollars par an au profit de la Chine. Un motif d’inquiétude ? La Chine est l’atelier du monde et son excédent sur le reste de la planète est le moteur même de son modèle de croissance. Le gouvernement Chinois sait très bien ce qu’il veut dans sa relation avec l’Algérie : maintenir le rythme de ses approvisionnements en produits, défendre sa nouvelle position de 1er fournisseur du pays, consolider sa part hors norme dans les services (équipements, bâtiments, etc.) exportés vers l’Algérie, et continuer d’accéder à l’amont pétro-gazier algérien lorsqu’il redeviendra attractif. Que veut Sellal de Pékin ? Dans un parallélisme des formes, Alger devrait demander un accès plus « accommodant » au marché chinois afin de réduire son déficit commercial. Mais le tour est vite fait des possibilités dans le court terme pour l’économie algérienne de vendre plus sur le marché chinois autre chose que des produits pétroliers devenus rares par ailleurs. Dans la délégation du FCE qui accompagne le premier ministre, quelques chefs d’entreprises peuvent ambitionner pénétrer le marché chinois. Seuls ou en partenariat avec d’autres acteurs. Ce n’est pas farfelu pour qui connait la propension galopante des chinois à consommer des produits de l’importation de qualité. Il faudra du temps. Dans le parallélisme des formes il y a plus court à obtenir. La France a été jusqu’en 2013, le premier fournisseur de l’Algérie. Il en résulte que le stock des investissements directs étrangers (IDE) le plus important dans le pays est français. 790 entreprises chinoises travaillent en Algérie. Le plus souvent sous un statut temporaire minimaliste. La fondation Heritage, un think-tank américain, a cru identifier 10,5 milliards de dollars d’investissements de ces entreprises chinoises depuis 2005 en Algérie. En fait le montant, ou celui qui l’a rapporté, mélange chiffre d’affaire et entrée de capitaux. Les investissements cumulés des entreprises chinoises en Algérie restent inférieurs au milliard de dollars lorsqu’elles sont de plus de 3 milliards pour les entreprises françaises. Chiffre déjà très faible lorsqu’on sait que le cumul des investissements français au Maroc est plus de quatre fois supérieur.
L’Algérie peut elle s’appuyer sur la Chine pour relancer l’accueil des IDE en berne depuis le 51-49 de 2009 ? Une chose est au moins certaine. La Chine exporte aussi des investissements. De plus en plus depuis quatre ans. Plus de 100 milliards de dollars sortants prévus en 2015.Plusieurs raisons. Bien sur les opportunités ouvertes par la crise financière dans les pays de l’OCDE. Cela a permis, entre autres, de racheter Volvo, de rentrer dans le capital de Peugeot, de « s’emparer » du port du Pirée ou de l’aéroport de Toulouse. Mais ce n’est pas tout. Les entreprises chinoises songent à délocaliser quelques unes de leurs activités. Le Yuan est la devise des 10 premières puissances économiques du monde qui s’est le plus apprécié ces cinq dernières années. Sellal peut il demander les yeux dans les yeux à son homologue chinois plus d’investissements des entreprises chinoises en Algérie en contrepartie de plus de grands contrats d’équipement ? Il y a des doutes. Le périmètre du premier ministre algérien – Amar Ghoul en tête – est plus habitué à organiser des réseaux de rétro-commissions qu’à arracher des inflexions stratégiques du commerce algérien. En 2013, lors d’un voyage en Chine, le président Hollande a promis à ses hôtes, un échange stratégique. Plus d’ouverture du marché chinois contre la levée de « tous les obstacles, tous les freins » aux investissements chinois en France. Le président Français a ajouté une condition : que les investissements chinois en France « contribuent à la création d’emplois et à l’activité ». Bien sur cela aurait du être au chef de l’Etat algérien de porter une telle proposition en Chine. Oublions. Reste à voir si l’Algérie à les moyens de presser Pékin dans le sens d’un engagement plus fort en Algérie. Il faudrait pour cela que l’écosystème de l’investissement en Algérie se dépollue. Huawei, par exemple, ne lancera pas un pôle de production, un Bordj Bou Arreridj bis, en Algérie sous le régime du 51-49. C’est une évidence. Sauf à délocaliser du CKD à la charge du partenaire algérien. Abdelmalek Sellal peut apprendre beaucoup de son séjour en Chine. Il pourra aussi constater sur place comment les chinois ont utilisé l’accès à leur marché, potentiellement le plus attractif du monde, pour s’industrialiser. Puis accéder aux autres marchés. A l’échelle d’un pays, l’Algérie, qui importe pour plus de 45 milliards de dollars, il y a la place pour attirer un peu plus que 1,7 milliard de dollars d’IDE par an. Une misère.
La campagne de promotion de la consommation des produits locaux tombe à pic. Le patriotisme économique est sans doute le résultat le plus subtil auquel peut parvenir une éducation citoyenne moderne. Hors de portée. En Algérie, jamais la dévalorisation culturelle du made in Algeria n’a été aussi constante. Symboliquement, le choix du président Bouteflika de ne se faire suivre que par la médecine française est un premier indicateur transcendant. La compétence algérienne est suspecte. Le produit et le service étranger est meilleur en tout lieu et en toute circonstance. C’est le message officiel. Tout dans le comportement des gouvernants ruisselle de la défiance à l’égard de l’Algérie. La main d’œuvre chinoise sur la grande mosquée d’Alger, les investissements en immobilier à Paris, les comptes bancaires HSBC en Suisse, les rétro-commissions à Dubaï, les cursus préparés pour l’exil des enfants dès l’école primaire. En langage marxiste des années 1970, l’ère Bouteflika est la plus compradore dans l’histoire du pays. Que cela ne nous interdise surtout pas d’acheter des produits algériens. Il y en a de très bons.