S’il salue l’annonce d’une révision de l’impôt sur le bénéfice des sociétés (IBS), le président du Directoire de NCA-Rouïba, Slim Othmani, se montre beaucoup moins enthousiaste quant à l’autre annonce relative à la révision de la Taxe d’activité professionnelle (TAP) qu’il qualifie de « fléau national ». Il insiste sur la suppression pure et simple de cette taxe, et appelle à décréter de manière urgente une amnistie fiscale pour permettre à l’argent qui circule dans la sphère informelle de passer dans la sphère légale.
Le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, a annoncé lors de la réunion des cadres de l’énergie organisée lundi que l’une des principales dispositions de la loi de finances complémentaire (LFC) 2015 est la révision de l’Impôt sur le bénéfice des sociétés (IBS) au profit des investisseurs dans les secteurs productifs et la baisse de la Taxe d’activité professionnelle (TAP). Quel commentaire en faites vous ?
Il semblerait qu’il y a un retour sur la mesure de l’IBS pour la ramener à 23% pour les industriels. C’est une décision que nous saluons, elle a été revendiquée aussi bien par les chefs d’entreprises indépendants que les membres du patronat. Cependant, la mesure relative à la Taxe sur l’activité professionnelle (TAP, actuellement de 2%, Ndlr), elle me parait beaucoup moins importante, parce que finalement le fait de réduire la TAP ne résout pas le problème. Ce qu’il faut, c’est supprimer la TAP et les recettes de celle-ci ; il faut les retrouver ailleurs par d’autres mécanismes comme par exemple une augmentation de la TVA, ou bien- et cela a été réclamé à plusieurs reprises-, par l’augmentation de la taxe foncière. Il y a des propositions concrètes autour de cette taxe foncière. Diminuer la TAP n’a absolument aucun sens et ne sert strictement à rien puisqu’elle ne résoudra pas le problème de l’informel. Je pense que supprimer la TAP est une chose importante. Et la deuxième chose importante est qu’il faut très rapidement et impérativement décréter une amnistie fiscale. Cette revendication, je n’ai cessé de la marteler depuis plus de 4 ans. Même le patronat s’est montré hésitant quand j’ai prononcé le mot amnistie fiscale. Cette fois-ci, le patronat semble s’aligner sur cette proposition. L’amnistie fiscale est vraiment nécessaire. Je ne parle pas d’amnistie fiscale concernant les avoirs à l’étranger, mais je parle d’amnistie fiscale pour tout l’argent qui circule au noir et qui échappe donc au circuit bancaire.
Une autre mesure annoncée concerne la récupération de l’argent de l’informel pour l’introduire circuit bancaire pour financer les investissements productifs. Comment cela va-t-il concrètement s’opérer ?
Il y a quelques années le système financier était en surliquidités, aujourd’hui il est en sous-liquidités. La raison est que les gens qui ont de l’argent chez eux n’ont plus confiance dans ce système (financier) car il est très instable. Il change de loi et de texte tout le temps et génère de fait un problème de confiance terrible. On pourrait remédier à ce problème de confiance par le recours à une amnistie fiscale. Celle-ci va permettre à ceux qui ont de l’argent mais aussi des biens immobiliers ici en Algérie, de les déclarer normalement et de payer normalement ou du moins de les réintégrer dans le circuit formel. Ceci d’une part. D’autre part, de payer une petite taxe pour pouvoir obtenir un quitus pour ces montants et actifs détenus. Car, il faut savoir qu’une amnistie fiscale ne couvre pas uniquement l’argent mais aussi les biens immobiliers. Encore faudrait-il qu’il y ait des signaux de confiance extrêmement forts. Et cela passe par la communication en expliquant au peuple que nous sommes dans une situation très critique et qu’ils doivent contribuer à l’effort de l’Etat. Pour mobiliser les citoyens autour de cette problématique, il faut rétablir la confiance et dire ‘’ok, on tourne la page du passé et on va faire l’amnistie fiscale’’. L’amnistie fiscale était un sujet tabou jusqu’à il y a 4 ans. Quand j’en parlais il y a même des chefs d’entreprises qui s’y sont opposés.
Pourquoi les patrons s’y sont-ils opposés?
Cette méfiance vient du fait qu’il y a beaucoup de gens qui pensent qu’une amnistie fiscale permet à des corrompus de blanchir leur argent. Or, ce n’est pas le cas. Les grossistes qui sont désignés du doigt aujourd’hui ne sont pas tous forcément des gens malhonnêtes. Ce sont des gens qui ont fait face à un système qui était insupportable, fiscalement et institutionnellement. Ils ont profité des failles du système et ont décidé d’accumuler de l’argent caché. Cet argent-là est celui qui finance aujourd’hui certaines activités illicites. Pour permettre à cet argent de revenir dans le circuit bancaire, il faut décréter une amnistie fiscale qui permettra une meilleure traçabilité du système financier.