La nouvelle ministre des de la Poste et des Technologies de l’Information et de la Communication, Mme Houda Imane Feraoun, fera-t-elle oublier l’immobilisme de Zohra Derdouri ? Le secteur attend un sérieux coup de booster qui ne peut venir que d’un dépoussiérage de la loi sur les télécommunications.
Cela fait plus d’un mois que Mme Houda Imane Feraoun a pris les rênes du Ministère de la Poste et des Technologies de l’Information et de la Communication (MPTIC). Sa nomination symbolise un changement de génération à la tête du MPTIC. Son âge, 36 ans, et son profil de professeur-chercheur universitaire semblent lui donner une avance par rapport à ses prédécesseurs. C’est aussi une grande responsabilité pour doter le pays d’un modèle de gouvernance du numérique efficace, répondant aux enjeux multidimensionnels de la révolution mondiale des nouvelles technologies. De quelle manière élargir le champ d’action des technologies du numérique au-delà des supports de transmission filaires ou hertziens et des opérateurs des télécommunications ? Si cette question se pose depuis l’ouverture du secteur des télécommunications à la concurrence, en 2001, elle demeure aujourd’hui un casse-tête pour les ministres qui s’y sont succédé. Car les actions des technologies du numérique, à commencer par la dématérialisation, poussent à revoir la législation pour faire apparaitre les premiers prémices d’une Algérie numérique.
Ancienne directrice générale de l’Agence thématique de recherche en sciences et technologie (ATRST), la nouvelle locataire du MPTIC devra ouvrir des dossiers sensibles qui concernent notamment la réforme réglementaire des télécommunications, la lutte contre la criminalité numérique, l’instauration du statut de fournisseur des contenus numériques, la création d’un cadre juridique au paiement électronique, la recherche de solutions au problème du manque de sources de financement destinées aux entrepreneurs numériques, et la création d’un environnement économique capable de renforcer le partenariat avec les pays étrangers dans le domaine du numérique.
Dégroupage, le grand défi
Personne ne sait si Mme Feraoun est partisane ou non du dégroupage de la boucle locale d’Algérie Télécoms. En clair, va-t-elle réactiver le projet de loi fixant les règles applicables aux activités de la poste, des télécommunications et à celles liées aux technologies de l’information et de la communication, introduit par Moussa Benhamadi puis retiré du bureau de l’APN par Mme Derdouri, il y a plus d’une année ? Il faut rappeler que ce projet de loi prévoyait d’autoriser l’opérateur historique à dégrouper son réseau téléphonique. Il visait à accélérer le processus de la réforme du secteur des télécommunications en vue de son ouverture au marché de la data mobile. Le dégroupage constitue « le nerf de la guerre ». Les expériences dans le monde, et chez nos voisins maghrébins, montre que la mise en place du dégroupage est une condition sine qua non pour l’accélération du processus de la connectivité des populations et la création d’une véritable économie numérique. La question du dégroupage peut alors être considérée comme le plus grand défi qui attend Mme Feraoun.
C’est en l’incluant dans son agenda gouvernemental, aux côtés des sujets comme les tarifs du roaming, les droits des consommateurs, et la portabilité des numéros, que la première responsable du secteur réussira à amorcer une politique de soutien au développement des connexions à haut et très haut débit en Algérie.
Quelle place aux opérateurs virtuels ?
Autre dossier majeur pour elle, l’absence d’une réglementation sur le déploiement des BTS. En effet, le choix « bureaucratique » des emplacements des antennes n’a fait que créer un déploiement anarchique des réseaux radio des opérateurs. Aussi, l’Algérie est parmi les rares pays dépourvus d’une reconnaissance juridique de l’opérateur virtuel de la téléphonie mobile (MVNO). Autre chantier, le gouvernement doit ouvrir au débat les questions du statut des données personnelles numériques ainsi que leur protection, du filtrage web et de la sécurité informatique. Ce chantier a néanmoins besoin de multiplier les acteurs activant dans le secteur des TIC. Pour rappel, aujourd’hui seuls le MPTIC, l’agence nationale des fréquences, le conseil de la concurrence et l’ARPT participent à la gestion de l’activité des entreprises dans ce secteur. Quel que soit le type de réponse apporté à ces questions, la nouvelle Ministre doit rapidement ouvrir ces chantiers qui consacrent la gouvernance du numérique. Des changements à opérer d’urgence pour rattraper le retard enregistré dans la transformation numérique des administrations et des entreprises. Les mentalités des décideurs et des investisseurs doivent évoluer pour que le numérique devienne un outil au service du développement économique, de l’éducation de masse et de la santé publique.