Largement commentée dans les médias, les réseaux sociaux, les mosquées, les familles, « la criminalisation de la violence à l’encontre des femmes », jadis taboue, est désormais formulée, discutée, et elle fait réfléchir, même dans les milieux les plus rétrogrades.
La célébration de la journée internationale des Femmes ne se résume pas cette fois-ci aux traditionnelles augmentations des prix des fleurs et produits cosmétiques ou aux fêtes organisées dans les salles omnisports, les théâtres ou les cinémas avec l’incontournable Cheb Yazid à l’affiche. Les fêtes exclusivement féminines n’ont pas fait défaut, ni la hausse du prix de la fleur qui a dépassé les 100% (200 dinars contre 50-70 durant les journées ordinaires). Les terrasses, les cafés, les salons, les restaurants n’ont pas désempli de la journée au grand bonheur des commerçants.
Dans les rues d’Alger, de nombreuses femmes ont osé mettre plus de talons, de robes ou de jupes relativement courtes… Elles se savent nombreuses en ce jour où elles ne subiront pas autant d’harcèlement que d’habitude, c’est-à-dire, la veille ou le lendemain… Elles ne craignent pas de se faire belles. Il y a, bien entendu, ces habituels commentaires agaçants des hommes au passage des femmes portant fleurs ou cadeaux et qui fustigent une « fête commerciale », un jour « d’exagération, pas digne du combat des femmes », un jour confondu aussi avec la « Saint-Valentin ». Sans oublier ceux qui vitupèrent contre « une fête pas musulmane ».
Pourtant, ce 8 mars est particulier. C’était un jour de fête qui ne s’est pas terminé pas le 9 mars car la femme algérienne vient de décrocher un acquis juridique. Jeudi 5 mars, le Parlement algérien a adopté les amendements au Code pénal portant criminalisation de la violence faite aux femmes.
Pour la première fois, à notre connaissance, dans le monde arabo-musulman, le harcèlement moral conjugal et le harcèlement dans les lieux publics sont punis par la loi. Et comme pour tous les sujets relatifs à la femme et aux rapports hommes-femmes, c’est plus qu’une loi.
Cette loi, qui s’introduit dans l’espace verrouillé de la famille, est un grand bond en avant et remet en cause des règles datant du moyen-âge, jusque-là indiscutées, qui font dépendre le sort de la femme ou de toute une famille au bon-vouloir absolu de l’homme. C’est une première. « Les violences physiques ou morales sont criminalisées et punies par la loi ». Cet amendement du Code pénal n’a laissé personne indifférent.
Largement commentée dans les médias, les réseaux sociaux, les mosquées, les familles, « la criminalisation de la violence à l’encontre des femmes », jadis taboue, est désormais formulée, discutée, et elle fait réfléchir, même dans les milieux les plus rétrogrades.
En parler, et à grande échelle, c’est déjà un pas énorme. La voir adoptée en est encore un autre. A cette même occasion, l’Assemblée populaire nationale a amendé l’article 330 du Code pénal relatif à l’abandon de famille pour protéger l’épouse de la violence économique.
Un nouvel article criminalisant toute agression attentant à l’intégrité sexuelle de la victime sera également introduit, à côté de l’amendement de l’article (341 bis) en vue d’alourdir la peine prévue pour harcèlement sexuel. En novembre dernier, l’APN avait adopté un projet de loi portant création du fonds de pension alimentaire au profit des femmes divorcées exerçant le droit de garde de leurs enfants.
Ces acquis important doivent être consacrés par un travail titanesque autour de leur application effective. Cela implique la sensibilisation et le suivi entre autres. Ces progrès au niveau des droits font que la femme algérienne célèbre cette année, un 8 mars de droits arrachés.
Car le 8 mars 1909, que nous célébrons chaque année, est aussi et surtout, celui des luttes et des droits arrachés. Célébrer ce 8 mars en 2015, c’est dire merci à toutes les associations, juristes, intellectuelles et autres qui ont mené un combat de plusieurs années pour aboutir à l’adoption de la loi de jeudi dernier.
C’est aussi rendre hommage à toutes celles et ceux qui se sont battus, durant la Guerre de libération, après l’indépendance, pendant la décennie noire, et à ceux qui continuent de nos jours à militer pour les droits et la dignité de la femme, fameux ou anonymes.
Nous sommes encore loin des libertés et de la reconnaissance de la femme comme être autonome responsable et maîtresse de sa propre vie. Nous n’avons même pas la terminologie de l’égalité inscrite dans la Constitution. Mais le verre est aujourd’hui, à moitié plein !