L’Algérie n’en finit pas de solder l’ère Chakib Khelil. Après les affaires de corruption, un ancien PDG de Sonatrach explique les dégâts provoqués par la gestion du secteur des hydrocarbures sous le président Bouteflika.
HassiR’Mel, principal gisement de gaz d’Algérie, a été surexploité et mal géré depuis le début des années 2.000, ce qui a provoqué une forte baisse de son rendement. L’ancien PDG de Sonatrach, M. Nazim Zouiouèche, invité mardi de Radio M, a précisé au cours de « l’invité du direct », que cette démarche a provoqué « la pire des choses qui puisse arriver » à un gisement, « piéger des quantités de gaz qui ne peuvent plus être récupérées ».
M. Zouiouèche a expliqué le processus qui a mené à cette situation. Selon lui, des gisements qui devaient entrer en production il y a une dizaine d’années n’ont pas pu être lancés, alors que les responsables du secteur de l’énergie de l’époque, qu’il a refusé de nommer, avaient annoncé de nouveaux pics de production, promettant d’exporter 80 milliards de mètres cube, voire 120 milliards de mètres cube par an. Dans leur fuite en avant, et pour camoufler ces difficultés, ces responsables ont décidé d’extraire des quantités supplémentaires de Hassi R’Mel, une « bête » capable d’offrir plus, à condition que les opérations d’entretien soient menées rigoureusement.
Celles-ci consistent en la réinjection d’une partie importante de la production de gaz, pour maintenir la pression dans les puits. Selon M. Zouiouèche, HassiR’mel produisait 90 milliards de mètres cube, dont 60 milliards étaient réinjectés. Cela permettait aussi de produire des condensats, à hauteur de 15 millions de tonnes par an, et de maintenir la pression nécessaire pour assurer le maintien de la production sur le long terme.
Un processus géologique connu
Une réinjection insuffisante de gaz a provoqué une baisse de pression puis un vide, naturellement compensé par de l’eau, qui s’est infiltrée dans le gisement, selon M. Zouiouèche, qui parle d’un processus connu. Il a précisé ne pas disposer de tous les éléments techniques, mais il connait suffisamment le gisement pour pouvoir se prononcer. Le résultat s’est traduit donc par une baisse de la pression, une infiltration de l’eau, une baisse de la production, mais surtout, « la pire des choses qui puisse arriver dans un gisement, piéger des quantités de gaz qui ne seront plus récupérables ».
M. Zouiouèche a admis ne pas connaitre l’état exact du gisement. « Il faut voir ce qu’on peut faire pour rattraper » cette situation, a t-il dit. L’eau s’est infiltrée de deux côtés, et il semblerait qu’elle ait atteint la zone centrale, « la plus prolifique », a t-il précisé. Comme priorité de la politique énergétique, il a appelé à une revue complète des gisements existants, pour savoir exactement où ils en sont.
La responsabilité de Chakib Khelil
Ces dégâts sont apparus « à partir de l’an 2000 », a déclaré M. Zouiouèche, qui a refusé de citer un responsable de manière précise, mais il est évident que cela coïncide avec l’avènement du président Abdelaziz Bouteflika. Le principal artisan de la politique énergétique de l’ère Bouteflika, M. Chakib Khelil, ancien ministre de l’Energie, avait poussé la production à son maximum, avec un peak-oil algérien atteint en 2008. Depuis, la production baisse régulièrement, une tendance aggravée par l’attaque terroriste du site de Tiguentourine, qui fournissait 18% des exportations algérienne de gaz. Accusé de corruption, avec des commissions de près de 300 millions de dollars, M. Khelil s’est réfugié aux Etats-Unis, dont il possède la nationalité.
Une nouvelle loi destinée à encourager l’exploration a été adoptée début 2013. Le conseil des ministres a, de son côté, autorisé la semaine dernière les forages pour développer le gaz de schiste, une décision fortement controversée.