Le journaliste El Kadi Ihsane incarcéré à la prison El Harrach compte des milliers de soutiens paraphés dans une pétition rendue publique par ses médias scellés sur les réseaux sociaux. Placé sous mandat de dépôt le 29 décembre, El Kadi Ihsane poursuivi sur la base des articles 95, 95 bis et 96 du code pénal sur des financements étrangers, fait toujours réagir la presse internationale de plus en plus acerbe ce 2 janvier.
«Son moral est bon. Il considère qu’il n’a fait que son travail de journaliste » Déclare, Zoubida ASSOUL qui a rendu visite au journaliste El-Kadi IHSANE, ce lundi 2 janvier à la prison El Harrach.
« Nous n’avons pas encore le dossier, nous ne savons pas encore ce qu’il y a comme charges contre lui. Ce qu’on connaît c’est les chefs d’inculpation qu’on lui a notifiés », déclare l’avocate, membre du collectif de défense du journaliste à TSA.
C’est « carrément une étape franchie », juge l’avocate qui déplore une recrudescence des poursuites », « Un recul significatif, au moment où l’Algérie vient d’obtenir un poste au conseil des droits de l’Homme de l’ONU. » S’offusque la femme de loi, également présidente de l’Union pour le changement et le progrès.
El-Kadi IHSANE, placé sous mandat de dépôt jeudi 29 décembre après près d’une semaine de garde à vue « est un journaliste connu et reconnu et un militant pour les libertés et les droits de l’Homme dans le pays » déplore-t-elle.
Zoubida ASSOUL, rejoint l’opinion nationale et internationale qui ne comprend pas la logique de l’état algérien. « Il y a eu pendant la rentrée judiciaire des dénouements heureux pour certains détenus qui ont retrouvé la liberté après 17 ou 18 mois de détention provisoire, « Ces acquittements dans des affaires criminelles, ça veut dire que les dossiers ne tiennent pas la route et ce sont des décisions purement politiques qui n’ont rien de judiciaire », dénonce-t-elle.
« Quand il y a une recrudescence de la répression tous azimuts, ce n’est pas un signe de la force du pouvoir. C’est le signe d’une faiblesse. Aujourd’hui toute voix discordante n’est pas la bienvenue », déplore Zoubida ASSOUL qui fait partie d’un groupe d’avocats qui a pris des permis de communiquer auprès de qui de droit pour voir El-Kadi IHSANE pendant sa garde à vue.
Le monde encore sous le choc de l’image d’un journaliste menotté. » Terrible ». Signe l’éditorial du journal français pour qui les autorités ne pouvaient ignorer le choc qu’un tel raid policier provoquerait autant en Algérie qu’à l’étranger.
En titrant » La calamiteuse surenchère autoritaire du régime » le journaliste exprime toute sa » sidération face à la fuite en avant répressive d’un régime en pleine revanche après avoir craint pour sa survie ».
C’est une figure emblématique du journalisme algérien indépendant.
C’est un symbole qui vient d’être frappé explique-t-il avant d’ajouter que » le régime d’Alger n’a pas l’air de se soucier outre mesure de l’effet calamiteux qui en découle sur son image. »
Abdelmadjid TEBBOUNE se sent assez en confiance pour ignorer les dégâts collatéraux. A l’intérieur, il pense pouvoir acheter la paix sociale avec le rebond des prix du pétrole et à l’extérieur, il est courtisé par les européens en quête d’alternatives au gaz russe. La France d’Emmanuel MACRON ajoute ses propres raisons à ces dispositions bienveillantes : « Le pari de la réconciliation mémorielle et la coopération sécuritaire au Sahel. « Croit savoir le journal de gauche.
« Les démocrates algériens ne devront guère espérer des chancelleries européennes, en tout cas dans le répertoire des déclarations publiques ». Assure le Monde qui, craignant à l’avenir pour l’accueil d’exilés et le refus de céder à des demandes d’extradition d’opposants, somme ces autorités à respecter le droit à l’ asile; Ils ont fait le choix courageux et honorable de militer pacifiquement pour des droits fondamentaux, soutient l’édito.
« Il est illusoire de vouloir « consolider le front interne », pour reprendre le mot d’ordre officiel, en asphyxiant la citoyenneté, l’indispensable ferment de toute une nation. Ecrit le Monde très au fait du climat lourd régnant dans le pays « l’atmosphère est devenue à ce point étouffante, que les Algériens en viennent à considérer que le pluralisme d’opinions se portait mieux sous l’ère de l’ex-président Abdelaziz BOUTEFLIKA, pourtant honnie pour sa dérive dans la corruption et le népotisme ». Renchérit le quotidien.
Pour que « les démocrates d’Algérie ne se sentent pas abandonnés », Le Monde espère compter sur la solidarité des sociétés civiles du nord de la Méditerranée.
El Qods El Arabi
Pourquoi l’Algérie s’entête-t-elle à clôturer l’année 2022 de cette façon, malveillante ?
Le politologue Nacer DJABI s’interroge dans les colonnes du journal El Qods El Arabi quand il relève que le communiqué du procureur a été diffusé à travers les médias officiels impliqués dans une campagne de dénigrement contre le journaliste. « Ihsane est soucieux de son indépendance et a refusé de se soumettre comme l’ont fait les autres médias. » fait-il remarquer.
Il s’interroge encore, sur la brutalité de la démarche des autorités. » Son interpellation et les accusations retenues contre lui sont arrivées après des mesures déjà très dures de fermer ses médias et la mise au chômage brutal de ses employés en cette fin d’année; des mesures inattendues qui ont choqué les journalistes et l’opinion, des pratiques que tout le monde croyait définitivement révolues. Lit-on dans le texte publié par la gazette arabe.
L’arrestation d’El kadi Ihsane «de cette façon malveillante pour lui faire peur et jouer sur son état psychologique est un but difficilement réalisable. » Assure Nacer DJABI, » ceux qui connaissent le journaliste le savent très bien, son expérience professionnelle, politique, militante , le passé engagé de son père » sont des indicateurs…Argue-t-il.
Le sociologue tente encore de comprendre la réaction des autorités, lorsqu’il évoque leur démarche autoritaire. « Une intervention musclée lors de son interpellation, sa longue garde à vue à l’ intérieur d’une « dite caserne militaire », les conditions de sa prochaine comparution et « la mollesse dans l’action ou plus tôt le pardon, » en laissant les avocats et sa famille lui rendre visite pendant sa garde à vue qui a duré 5 jours entiers , un fait sans précédent…énumère Nasser DJABI qui voit dans ces approches contradictoires une lutte dans les appareils de l’état qui gèrent ce dossier, un fait auquel nous sommes habitués et qui semble encore d’actualité.
Cette même lutte au sein du pouvoir a été mentionnée dans les derniers écrits du journaliste au large réseau relationnel et à l’expérience professionnelle affûtée note DJABI. « Il dévoilait des tractations autour des prochaines présidentielles 2024 et du positionnement de l’institution militaire. »
Le politologue pense que l’approche journalistique de El KAdi IHSANE qui tendait ces dernières émissions ( avec des militants politiques) à encourager la présentation d’un candidat du Hirak et à ne pas tomber dans le piège du boycott, nous renseigne sur son interpellation. « IHSANE souhaitait le retour du mouvement de protestation de façon légale en organisation politique en vue des élections présidentielles et législatives. » Nous explique le politologue.
Son arrestation et la mise sous scellés des locaux de ses médias prouve que le scénario le plus pessimiste, concerne « la situation politique actuelle qui ne tolère plus les moindres libertés, encore possibles sous le règne Bouteflika et le parti unique, à certaines périodes ».
Le chercheur en sociologie politique cite de mauvais indicateurs en cette conjoncture comme le retour en force des mouches électroniques pour lancer des campagnes de dénigrement du journaliste et justifier la répression alors qu’il compte une immense solidarité internationale.
Les soutiens au journaliste affluent de toute part.
» Ce qui va contribuer encore plus à salir l’image de l’Algérie sur la scène internationale. » Regrette Nacer DJABI.
La personnalité de la semaine cette fin d’année pour France Inter c’est El Kadi IHSANE. « Jamais il n’a accepté de se soumettre à la caporalisation des médias, c’est une voix qui a toujours détonné dans le paysage médiatique algérien » Souligne la radio publique française qui donne la parole au journaliste de Reporter Sans Frontière pour l’Afrique du nord,Khaled DRARENI.
Ses médias scellés sont de vrais espaces libres « qui critiquent tout le monde : Le pouvoir, l’opposition les pays étrangers » sans distinction. « On dit qu’ils ménagent la France, c’est totalement faux, toutes les questions sont traitées y compris celle de la colonisation » rectifie Khaled DRARENI. RSF va continuer à se battre auprès de sa famille et de la corporation contre ce « harcèlement judiciaire » afin de libérer le journaliste et permettre à Radio M ainsi qu’à Maghreb Emergent de continuer à informer les algériens en toute liberté comme ils l’ont toujours fait.