Les images provenant du Brésil en cette période de Coupe du Monde ne diffusent pas une partie du quotidien des couches les plus démunies. Derrière le côté festif, il y a une réalité, qui certes ne date pas d’aujourd’hui, est moins bonne à montrer. Le webdocumentaire Copa para quem?, de deux journalistes Belges, s’en est chargé.
En cette période de Mondial 2014, le monde entier a les yeux rivés sur le Brésil. Et l’Algérie, encore plus, depuis la victoire des son équipe nationale contre la Corée du Sud 4 à 2, dimanche 22 juin. A côté des matches retransmis à la télévision, la Toile fourmille de sujets autour du football, du Brésil, des supporters et des joueurs. Dans cette fourmilière, le webdocumentaire Copa para quem? (www.copaparaquem.com), visible depuis un mois sur Internet, détonne. Réalisé par deux jeunes journalistes belges, Maryse Williquet et Clémentine Delisse, il montre une autre réalité brésilienne, loin des paillettes du Mondial et de l’enthousiasme général pour cet événement. « Copa Para Quem ? », qui signifie en portugais « Pour qui est cette Coupe du Monde ? », est un des slogans des manifestants et le propos de notre webdocumentaire. « Avec près de 3 millions de touristes, dont 600.000 étrangers, attendus à cet événement planétaire, nous nous sommes demandées, a qui revenait réellement les bénéfices de la Coupe du Monde », explique Maryse Williquet. Le webdocumentaire commence ainsi de façon très classique : un ballon de foot et une invitation à « tirer ». Aucun doute, nous sommes au Brésil avec la Coupe du monde en toile de fond. Sauf qu’au lieu d’atterrir dans un filet, le ballon s’encastre dans un mur qui se fissure à son impact. Quatre inscriptions apparaissent : déplacements de populations, tourisme sexuel, enfants des rues, réveil des mouvements sociaux. C’est à Fortaleza, capitale de l’Etat de Céara, l’un des états les plus pauvres du Brésil, que la journaliste belge de 25 ans a posé sa caméra. « Cette ville est l’exemple même du paradoxe brésilien », souligne Maryse Williquet. « Au-delà de sa côte luxuriante, de ses complexes hôteliers et de ses plages idylliques, Fortaleza se caractérise aussi par son tourisme sexuel, ses milliers d’enfants des rues et ses favelas ». C’est ce paradoxe que révèle Copa para quem ? à travers quatre « capsules » vidéos d’une durée de huit minutes chacune, accompagnées par des bonus.
Cinq mois d’immersion
Tout a commencé en juin 2013 quand des manifestations ont éclaté au Brésil, raconte Maryse Williquet. « Je me suis dit que c’était le moment de partir ». Elle s’envole outre-Atlantique après avoir obtenu une bourse pour un stage d’apprentissage du portugais de deux mois à Fortaleza, avec sa complice Clémentine Delisse. « Nous avons ensuite soumis un dossier de financement au Fonds pour le journalisme en Fédération Wallonie-Bruxelles qui nous a octroyé une bourse de 15.000 euros avec laquelle nous avons pu rester trois mois de plus à Fortaleza pour réaliser le projet », ajoute la jeune femme. Sur place, la priorité est à l’intégration dans la communauté de la ville, une immersion facilitée et accélérée grâce à l’apprentissage du portugais qui permet aux réalisatrices de se passer de traducteur, facilitant les échanges avec la population. « Notre intégration dans le réseau militant et associatif était primordiale pour recueillir les témoignages, d’autant que les Brésiliens sont très méfiants à l’égard des médias dominés par le groupe O Globo qui s’intéresse rarement aux protestataires et aux classes populaires », souligne Maryse Williquet. Pendant les deux premiers mois de leur séjour, les deux journalistes sortent occasionnellement leur caméra pour capturer des images, notamment de manifestations, mais pour des raisons de sécurité, elles doivent faire court et s’assurer d’être accompagnées d’un Brésilien. S’en suivent trois semaines de tournage avec une équipe venue de Belgique.
500.000 visiteurs en un mois
En février, toute la petite équipe de tournage est de retour en Belgique, avec dans les valises huit à dix interviews pour chacune des quatre capsules. « Nous avons fait appel à un monteur professionnel pour le montage qui a duré deux mois, car il a fallu retranscrire toutes les interviews en français », indique Maryse Williquet. « Nous voulions rester dans du court pour que les vidéos se regardent rapidement et se partagent facilement, c’est pour cela qu’elles ne durent pas plus de dix minutes ». La plateforme et toute la partie graphique du webdocumentaire ont été réalisées par Switch asbl, une association sans but lucratif (ASBL) qui contribue à l’émergence d’une citoyenneté active, responsable et solidaire au travers d’outils multimédias, précise encore la réalisatrice. Un mois après sa mise en ligne, « Copa para quem ? » enregistre déjà 500.000 visites. Et le premier quotidien belge francophone Le Soir vient de le diffuser sur son site internet. « Un linéaire de 25 minutes a été terminé il y a peu de temps, grâce à une collecte sur la plateforme de financement participatif Kisskissbankbank, qui sera bientôt disponible sur Youtube », ajoute Maryse Willique. Enfin, toute la plateforme et les vidéos seront prochainement accessibles en anglais.