Le secteur des TIC en Algérie n’est pas encore à l’heure de l’innovation même si des actions inscrites dans le projet « e-Algérie » de modernisation du secteur délaissé, ont été reprises sur le terrain. Cependant, des observateurs évoquent les carences d’une politique de modernisation structurée et efficace, essentielle pour donner, dans un contexte de crise, une impulsion réelle à l’économie numérique algérienne.
Il devait marquer une étape décisive dans la refonte du secteur des technologies de l’information et de la communication (TIC). Le projet e-Algérie, débattu pendant 6 mois entre juillet et fin décembre 2008 et prévu pour un lancement en janvier 2009, a été mis de coté après le départ de Hamid Bessalah, ancien ministre de la Poste et des Technologies de l’Information et de la Communication (MPTIC). « Depuis, seules 30% des actions prévues dans e-Algérie ont été menées par différents ministères », indique Ali Kahlane, président de l’Association algérienne des fournisseurs de services internet (AAFSI). La majorité des actions, relatives à l’impulsion du développement de l’économie numérique, pour « inciter à l’entreprenariat », la « production de contenus locaux », et pour « créer toutes les conditions de valorisation des compétences scientifiques et techniques nationales en matière de production de logiciels, de services et d’équipements », n’ont pas à été appliquées ou partiellement. Un point central demeure l’échange de savoir-faire, à travers « un mécanisme de partenariat durable entre le secteur public et privé ». Une proposition qui a fait des vagues. « Cette action est restée sous la forme d’un discours. Des partenariats internes entre opérateurs publics et d’autres entre opérateurs privés ont germé », explique Younes Grar, ancien conseiller au MPTIC, et un des protagonistes du projet e-Algérie. La valorisation des compétences nationales (adaptées au besoins du logiciel notamment), qui passe par la création d’un réseau de pôles de recherche et de développement, se fait encore timidement via quelques initiatives.
Un réseau de formation et de R&D limité
« Il y a eu des tentatives avec quelques multinationales, dans le but de créer des académies de formation qui délivreraient des certifications. Mais certains projets ont été arrêtés car les positions des institutions qui doivent prendre en charge ce type de collaboration n’ont pas été claires », explique M. Grar. Selon lui, « il existe néanmoins quelques centres de formation qui forment les salariés des entreprises publiques, mais on pourrait maximiser d’avantage les partenariats et les structures ».
Par extension, « l’accélération et la mise en exploitation des parcs technologiques existants » à savoir ceux de Sidi-Abdallah (Zeralda), Oran, Annaba et Ouargla, étaient prévues dans le but de favoriser la coopération et les échanges avec les PME. Mais selon plusieurs sources seuls celui de Sidi-Abdallah aurait démarré efficacement. Très peu de chiffres actualisés indiquent le nombre de start-up en Algérie. « On ne sait pas combien d’idées ont été transformées en start-up, ni combien d’entreprises ont survécu », précise M. Grar. Dans les perspectives imaginées par les concepteurs du projet e-Algérie, l’émergence d’un réseaux de formation efficace devait aussi servir de tremplin à l’entrepreneuriat et donc à la création d’une industrie nationale des TIC aux visées d’exportation.
Des fonds de subventions peu exploités
Une priorité de développement qui devrait être soutenue par les fonds publics qui existent mais sont très peu distribués. « Le fonds FAUDTIC, prévu dans le cadre du projet e-Algérie pour aider les entreprises à acquérir des outils de développement, aller à des évènements spécialisés et financer des formations coûteuses, a enregistré un taux d’exploitation très faible (entre 5 et 10%), alors que le montant de démarrage s’élevait à 5 milliards DA. Sa mauvaise exploitation s’explique d’abord par une mauvaise communication. Car peu de concernés connaissent son existence. A cela, il faut ajouter la complexité des procédures qui découragent les demandeurs d’aide », commente Younes Grar. Il existe, selon lui, « d’autres fonds exploités au niveau du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique, pour financer des projets et les proposer à des centres de recherche et des laboratoires, mais rien de consistant n’a a été fait pour introduire et renforcer l’industrie du logiciel et du numérique ».
Sans ces subventions, des sociétés de logiciels et de solutions informatiques peinent à subsister, à devenir compétitives et donc à exporter. Certains opérateurs se sont rabattus sur la solution facile de la revente de logiciels importés. Dans le scénario opposé, e-Algérie prévoyait de faciliter l’accès des éditeurs de logiciels aux marches publics, « mais il paraît évident qu’on ne peut pas encourager les entreprises publiques à utiliser les produits d’innovation locaux, si on n’a pas de produits », ajoute M. Grar.
Des projets voient le jour
Le gouvernement a appliqué en revanche un ensemble de mesures d’allègements fiscaux pour encourager une industrie locale d’assemblage de PC et de terminaux mobiles (smartphones, tablettes). « L’État favorise l’industrie nationale et celle du secteur des TIC », affirme une source de Condor, entreprise privée d’équipements électro-ménagers. « De nombreuses aides ont été octroyées, allant des crédits bancaires à l’assistance du ministère de l’industrie dans le suivi technique et l’accompagnement dans des projets internationaux. Des sociétés algériennes émergent et des partenariats avec des entreprises étrangères, pour le développement de la partie équipements et applications se concrétisent également. Globalement, l’État oriente l’entreprise algérienne qui se développe à s’approvisionner chez les entreprises fabricantes algériennes pour favoriser le produit national et en particulier les solutions informatiques. Le problème se situe à contrario, au manque d’assiette foncière pour lancer des projets d’investissement dans le secteur », ajoute la même source.