Le 06 octobre 2015 le Ministre de l’industrie annonce sa renationalisation convient de précisant que cette cession n’a pas donné lieu à une transaction financière, la session des actions ayant été effectuée à titre gratuit et le 13 décembre 2015 parle d’un investissement de deux milliards de dollars. Le parti des travailleurs et d’autres anciens responsables en date du 13 octobre 2015 concernant la renationalisation du complexe sidérurgique d’El Hadjar parlent « d’arnaque de l’Etat ».
Réplique de l’actuel ministre de l’industrie le 13 décembre 2015 qui porte de graves accusations sur l’ancien ministre des participations de l’Etat et sur l’ensemble de ses prédécesseurs concernant la gestion du complexe d’El Hadjar, invitant indirectement notamment l’ex-ministre de l’Investissement Abdelhamid Temmar, je le cite « à se taire parce que c’est eux les responsables de cette catastrophe». Il s’agit pour l’Algérie d’éviter ces polémiques stériles, personne n’ayant le monopole du nationalisme et de la vérité et apprenons-nous à nous respecter sans verser dans les insultes. Ces polémiques nuisent à l’image de l’Algérie. L’objet de cette présente contribution est de donner un aperçu objectif sur l’historique que de ce complexe.
Le complexe d’El Hadjar : historique
L’idée de création d’un grand pôle industriel de sidérurgie à Annaba était prévu dans le plan de Constantine de 1958, où la Société Bônoise de Sidérurgie (SBS) a été créée avec pour mission de réaliser un haut-fourneau ainsi que ses annexes, mais n’a pas été réalisé. La Société nationale de sidérurgie (SNS) a été créé le 3 septembre 1964, chargée de la construction du Complexe sidérurgique d’El Hadjar qui a été inauguré le 19 juin 1969. Courant 1983, la restructuration de l’industrie algérienne donne naissance à l’entreprise nationale Sider qui devient Groupe Sider en 1995, pour passer de l’entreprise administrée à l’Entreprise publique économique (EPE/SPA) avec un plan de redressement en 1999, donnant naissance à 25 entreprises industrielles autonomes (filiales). Le 18 janvier 2001, c’est un partenariat entre LNM (Inde) et Sider (Algérie) qui donne naissance à Ispat Annaba. Le complexe d’El Hadjar avait été cédé à Mittal en 2001, qui détenait 70% et 30% par l’Etat algérien à travers Sider. Précisons qu’ArcelorMittal né en 2006 de l’OPA de Mittal Steel Company sur Arcelor, financée par de grands emprunts internationaux, est un groupe sidérurgique mondial, ayant son siège social à Luxembourg étant le plus grand producteur d’acier au monde avec 96,1 millions de tonnes produites en 2013. Elle fait face à un marché en expansion puisque les débouchés de la sidérurgie, fortement concurrencée par d’autres produits dont les dérivées d’hydrocarbures, sont environ de 27% pour la construction, 16% pour l’automobile, 14% dans la mécanique, 12% dans les tubes et 11% dans les constructions métalliques. ArcelorMittal employait début 2012 environ 260 523 salariés et 239.000 en 2013 dans plus de 60 pays dont 53% en Europe, effectif qui a fortement baissé par de profondes restructurations. ArcelorMittal est une multinationale qui a une stratégie de filières mondialisées et s’implante là où les coûts sont bas et la demande segmentée élevée, animée par la seule rentabilité économique. C’est dans cette logique d’internationalisation face à la concurrence et à la crise mondiale qui a affecté certaines de ses activités que selon les informations recueillies à l’international, montrent c’est Arcelor Mittal, du fait de nouveau redéploiement mondial qui a demandé au gouvernement algérien de se retirer de la gestion d’El Hadjar. Les difficultés entre l’Algérie et son partenaire étranger étaient donc connues. C’est ainsi que courant 2013, pour sauver l’unique complexe sidérurgique du pays employant 5000 personnes d’une cessation d’activité, il a été décidé par le gouvernement de reprendre le contrôle, le groupe public Sider augmentant sa participation dans AMA de 30% à 51% avec un plan d’investissement de 763 millions de dollars (565 millions d’euros) destiné au complexe sidérurgique de Annaba et aux mines de l’Ouenza et de Boukhadra. Une grande partie de l’investissement relatif à la modernisation du complexe, 600 millions de dollars environ, devait être financée à travers un crédit bancaire, dont la BEA (banque de Sonatrach). L’investissement à engager par les fonds propres des deux partenaires devait être de l’ordre de 123 millions de dollars. ArcelorMittal gardant le management, Sider préside le conseil d’administration, cet accord prévoyait un important plan de développement des ressources humaines au travers de formations intensives destinées aux employés afin de s’adapter aux nouvelles technologies prévues pour le site. L’objectif était d’augmenter la capacité de production du complexe d’El Hadjar (Annaba) à 2,2 millions de tonnes par an, de renforcer les capacités de l’aval par l’implantation d’un nouveau laminoir de rond à béton et de fil machine d’une capacité de 1 million de tonnes. Cela impliquait la modernisation de la filière fonte d’Annaba, notamment du haut-fourneau, ainsi que les installations de préparation matière, aciéries et laminoirs existants et la construction d’une nouvelle filière électrique. Lors des négociations en octobre 2013, il avait été prévu que le complexe devrait atteindre sa pleine capacité de production, 2,2 millions de tonnes d’acier, en 2017. Or, le complexe de sidérurgie d’El Hadjar n’a produit en 2012, que 580 000 tonnes d’acier, alors que l’objectif initialement fixé était de parvenir à produire 600.000/700 000 tonnes pour l’année 2012. Et récemment en 2015 le DG du groupe Sider a signalé que la production d’acier du complexe sidérurgique d’El-Hadjar qui était d’un million de tonnes au départ a, depuis, chuté à 600 000 tonnes, «jusqu’à atteindre, aujourd’hui, 300000 tonnes, contre une demande nationale, pour les seuls ronds à béton et fils pour machines, d’environ 4 millions de tonnes. Cette contreperformance avec des pertes de plusieurs dizaines de millions de dollars est d’autant plus dommageable qu’elle s’inscrit dans le contexte d’une demande très dynamique d’acier sur le marché algérien. Encore que les nouvelles technologies mondiales sont axées sur de nouvelles méthodes de construction qui économisent tant l’énergie, l’acier et le ciment.
Quelles perspectives pour le complexe El Hadjar ?
Le 06 octobre 2015, qu’un accord pour la restructuration de l’actionnariat des sociétés ArcelorMittal Algérie, ArcelorMittal Pipes & Tubes Algérie et ArcelorMittal Tébessa a été conclu à l’amiable, entre les Groupes ArcelorMittal et Imetal, et que le 13 décembre 2015, le ministre de l’industrie annonce un montant faramineux qui s’ajoute aux autres assainissements d’un montant de 2 milliards de dollars. Plus précis, le président-directeur général du Groupe IMetal, qui regroupe 70 entreprises, qui employant 25000 travailleurs avec 100 milliards de dinars de chiffre d’affaires dans ses cœurs de métier que sont la métallurgie, la sidérurgie et la construction métallique, sur les ondes de la Radio nationale le 10 octobre 2015 note que le rachat d’El Hadjar par l’Etat s’est fait à titre gracieux, sans contrepartie financière. Le plan de restructuration s’articulerait autour de mesures financières suivantes : une enveloppe négociée de 720 millions de dollars est d’ores et déjà à la disposition d’El Hadjar dont 600 millions de dollars ont été mobilisés par la BNA et 120 millions par les actionnaires, y compris ArcelorMittal qui aurait mis sur la table 80 millions de dollars, toujours selon le PDG.» Cela se fera en deux phases : à court terme, 400 millions de dollars serviront à réhabiliter le haut fourneau et son environnement, c’est-à-dire réhabiliter les installations en amont, qui comprennent les infrastructures portuaires, réhabiliter la préparation des matières (préparation des minerais, cokéfaction et agglomération), rétablir l’aciérie et les laminoirs afin d’arriver.» Objectif : arriver à une capacité de production de 1,2 million de tonnes d’acier à mars 2016 au plus tard. La deuxième phase, approvisionné de 300 millions de dollars, consistera à mettre en place une nouvelle aciérie d’une capacité de 1 million de tonnes .Mais les problèmes d’El Hadjar ne datent pas d’aujourd’hui. Pourtant, il existe des divergences de données entre le premier accord de 2013 et celui de 2015. Comment ne pas rappeler qu’un audit pour le compte du gouvernement de l’époque en 1991 précisait déjà que le complexe d’El Hadjar avait nécessité un assainissement de plus de 20 milliards de dollars entre 1980/1990 et qu’il était revenu à la case de départ, donc quatre fois à cinq fois le montant à prix courant 2015, le dollars étant coté en 1990 à 25 dollars. Cette nationalisation résoudra-t-elle les problèmes structurels du complexe et donc ? Quelles perspectives ? Paradoxe, nous avons assisté par le passé à un dialogue de sourds pour expliquer les déboires de ce complexe. La direction du complexe reproche notamment, à Sonatrach et Sonelgaz les plus gros demandeurs d’importer au lieu de s’adresser au complexe et les deux principaux groupes algériens reprochant à ArcelorMittal de ne pas se conformer aux normes de sécurité et de qualité. Le futur complexe sidérurgique de Bellara (sud-est de Jijel) entre Sider et Qatar Steel International selon la règle des 51/49%, n’est-il pas déjà un substitut au complexe d’El Hadjar et allégera-t-il les tensions sur l’acier du fait que l’Algérie importe une grande quantité. La production de ce nouveau complexe d’un coût estimé environ à 1,7 milliard de dollars, serait en principe à l’horizon 2017, au titre d’une première phase, 2 millions de tonnes d’acier par an avant de passer à 4 millions de tonnes pour répondre aux besoins du marché national en rond à béton et autres aciers à l’horizon 2019 avec la création de près de 2000 emplois directs (le tiers d’El Hadjar pour une production plus importante). Encore que se pose cette question : l’Algérie n’ayant pas besoin d’argent frais, le groupe qatari apporte-t-il le savoir-faire managérial et technologique. A quel prix sera cédé le gaz principal input pour la production, un dixième du prix international et quels est le montant et la période des avantages financiers et fiscaux accordés par l’Etat algérien, donnant des rentes de situation, en fait un transfert de la rente des hydrocarbures, contraire aux règles de la concurrence et pouvant voiler une gestion optimale.
La politique industrielle doit s’inscrire dans le cadre des valeurs internationales
A un cours moyen de 50 dollars les recettes de Sonatrach, seraient à 27 milliards de dollars et le profit net de Sonatrach devant déduire 20% de coût s’établirait à 21/22 milliards de dollars. A 40 dollars, le baril, le prix de cession du gaz étant indexé sur celui du pétrole, les recettes de Sonatrach s’établirait à 21 milliards de dollars et le profit net 16/17 milliards de dollars. Or, Sonatrach a prévu un investissement de 100 milliards de dollars sans compter 30 milliard de dollars de Sonelgaz 2015/2020 et le ministre de l’industrie après des dizaines de milliards de dollars d’assainissement depuis 1970, pour El Hadjar vient d’annoncer le 04 décembre 2015 un investissement de 2 milliards de dollars. En plus où avoir le capital argent, des dizaines de milliards de dollars qu’annoncent le Ministre de l’industrie dans les mines avec la règle des 49/51%. C’est que la filière mines est internationalisée et quatre à cinq firmes internationales contrôlent le marché mondial pour ces produits qui sont régis par les règles de l’organisation mondiale du commerce (OMC) qui représente 85% de la population mondiale et 97% du commerce mondial. Devant éviter les utopies des années 1970, la fameuse théorie « des industries industrialisantes », se pose cette question : quelle part le montant de l’investissent supporté par l’Algérie, à quel coût produira-t–on et ces firmes certainement ne s’accommoderont pas de la règle des 49/51% soumise aux règles de la concurrence au niveau mondial. J’ai eu l’honneur de diriger avec bon nombre d’experts nationaux pour le gouvernement de l’époque ente 1978/1979 le bilan du processus d’industrialisation, beaucoup de réalisations mais également beaucoup d’insuffisances (8 volumes MIE 1979). L’Algérie doit tenir compte des nouvelles mutations mondiales. L’actuelle démarche sans vision stratégique croyant que le capital-argent et de nouvelles organisations sont les fondamentaux du développement est une erreur stratégique qui risque de conduire le pays droit au mur où l’Algérie supporte à la fois tous les surcoûts à travers le trésor public et les risques d’où la satisfaction des tenants de la rente qu’ils soient nationaux ou étrangers. Elle accélérera l’épuisement des réserves de change sans réaliser le transfert technologique et managérial et conduira le pays vers une dépendance plus accrue. Il faut être réaliste, pragmatique et non dogmatique. La population active de l’Algérie dépasse 12 millions d’habitants , voulant un emploi et que représente El Hadjar avec ses 4500/5000 employés qui du fait de leur expérience peuvent être redéployés. Car il s‘agit de dire la vérité : ces mesures seront-elles pérennes pour avoir un coût et des qualités qui répondent aux normes internationales, et ne risque-t-on pas de reproduire les assainissements à fonds perdus comme par le passé, d’autant plus que l’Algérie est liée à un Accord de libre-échange avec l’Europe dont le dégrèvement tarifaire zéro est prévu à l’horizon 2020 et qu’elle aspire à adhérer à l’Organisation mondiale du commerce. La nationalisation du complexe d’El Hadjar doit éviter ce discours populiste euphorique d’une autre époque. Après maints assainissement depuis 1980, ce complexe sera-t-il rentable économiquement ? Dans la pratique des affaires, il n’existe pas de sentiment. Aussi, face une crise financière qui s‘annonce on doit se poser cette question stratégique: au sein d’une économie mondialisée, quel avenir pour la filière sidérurgique en Algérie? Le tout-Etat est-il une réponse face à l’internationalisation de la majorité des filières et ne doit-on pas forcément passer durant cette période de transition par un partenariat public-privé local et international loin des règles rigides bureaucratiques ? La culture rentière de certains responsables est cette volonté de devenir majoritaire, vivant du mythe de l’aisance de la rente des hydrocarbures, généralisant les 49/51% dans tous les secteurs alors qu’il y a lieu de réaliser un ciblage pour les secteurs stratégiques et non stratégiques idem pour les subventions toujours sans ciblage avec un gaspillage des ressources financières. L’éventualité d’une non-rentabilité occasionnera des surcoûts pris en charge par le trésor public où l’Algérie avec la baisse du cours des hydrocarbures connaît des tensions budgétaires. Et le risque avec ces unités fortes consommatrices d’énergies est d’autant plus important que l’Algérie va vers l’épuisement de ses ressources en hydrocarbures. Cela pose l’urgence pour l’Algérie d’une transition rapide d’une économie fondée sur la rente à une économie hors hydrocarbures elle-même liée à l’urgence d’une transition énergétique et son adaptation aux enjeux de la mondialisation.
*Professeur des Universités, Expert International
[email protected]