« Il y a un ferment extraordinaires pour développer le crowdfunding sur le continent africain ». Hervé Schricke, Président du groupe Finance, Massilia Mundi en est convaincu : « Il y a un besoin important de financement par les plateformes de crowdfunding ».
Lors des deuxièmes rencontres Euro-Méditerranéennes du Crowdfunding organisées par Pop Finance, le 5 novembre dernier à la Villa Méditerranée à Marseille, dans le cadre de la Semaine Economique de la Méditerranée, le Président du Club Afrique de l’Association Française des Investisseurs pour la Croissance (AFIC), Hervé Schricke, a estimé que la faible bancarisation en Afrique offre une opportunité « fabuleuse » pour le développement de la finance participative.
Avec le faible niveau de bancarisation en Afrique et les énormes besoins en financement, le crowdfunding peut être un mode financement incontournable surtout que la communauté bancaire, pour différentes raisons, dispose de capacité de prêt limitée.
Le crowdfunding (finance participative), ce mode de financement par les dons des internautes via une plateforme web, n’est pas étranger aux mœurs commerciales des Africains. Il existe en effet depuis des siècles en Afrique sous la forme de tontine qui est un mode financement où on apporte des capitaux pour un projet porté par une famille, un village ou une communauté. La touche du numérique apportée à ce mode de financement séculaire « offre une opportunité au secteur des télécoms » qui assure déjà le paiement dans de nombreux pays africains, selon M. Schricke. « En Afrique, ça va très vite avec la téléphonie mobile. On saute des étapes de développement. Le monde va évoluer énormément et je pense qu’on va aller plus vite sur le continent africain que ça n’a été en Europe », a-t-il prédit.
Le rôle de la diaspora
En Afrique, la diaspora a un grand rôle à jouer. « Il faut aller mobiliser l’épargne de la diaspora, qui a tendance à alimenter les besoins des familles restées au pays, pour servir de leviers de développement », préconise M. Schricke, par ailleurs Président du groupe Finance, Massilia Mundi. Il cite, dans ce sens, un projet qui a porté ses fruits en Cote d’Ivoire où une startup de la diaspora en France a mis en place un système de transfert de l’épargne en collaboration avec une banque publique ivoirienne.
L’apport de la diaspora au développement de projets locaux via le crowdfunding a été aussi démontré par la plateforme libanaise Zoomaal. Plus de 30 % des financements sur cette plateforme vient de l’épargne de la diaspora qui appuie le développement des projets à impact local, affirme Andra Iacob, chargée de projets au sein d’IVOS, une ONG néerlandaise qui soutient de nombreux projet à travers le Moyen Orient dont celui de Zoomaal.
Dans le même ordre d’idée, Stéphanie Savel, Présidente de la plateforme numéro 1 en crowdfunding en France Wiseed, estime que la proximité doit être redéfinie. « On ne parle plus de proximité territoriale ou géographique. Le crowdfunding réinvente une nouvelle forme de proximité qui est celle du choix de l’épargnant et la destination finale de son argent », a-t-elle expliqué.
Chercher l’épargne là où elle se trouve en abondance
Pour Stéphanie Savel, il ne faut pas seulement drainer l’épargne locale sur des projets locaux, mais au contraire, drainer l’épargne nationale sur projets locaux. « Sur un territoire restreint, on ne pourra financer certains projets. Il faut donc chercher l’épargne là où elle se trouve en abondance notamment dans les territoires riches et la réorienter vers des régions moins riches mais riches en projets », recommande-t-elle.
Mme Savel estime que pour élargir le champ d’action de la finance participative, il faut aller vers des plateformes étrangères pour financer des projets locaux. « Pourquoi la captation des investissements étrangers doit-elle être réservée à la finance traditionnelle, alors que les plateformes de crowdfunding, par la dématérialisation qu’elles permettent, peuvent aller capter de l’épargne internationale », s’interroge-t-elle.
Pour elle, si les pouvoirs publics dans de nombreux pays mènent une politique favorable à l’incubation de startups, l’accompagnement ne suit pas. « C’est pourquoi, on doit travailler non pas sur la chaine de financement mais sur la chaine d’accompagnement et créer des écosystèmes favorables au développement de ces startup. Et les plateformes de crowdfunding ont les moyens d’apporter le financement nécessaire pour le développement de ces projets », a-t-elle souligné.
Obstacles juridiques
Cet espoir que suscite le crowdfunding notamment pour l’industrie créative (animation 3D et les jeux vidéos), les projets orientés vers l’écologie, la culture et l’économie sociale en Afrique bute cependant sur des obstacles d’ordre réglementaire notamment et la méfiance envers ce mode de financement.
De nombreuses plateformes africaines ont été lancées, mais elles connaissent des débuts timides. Il faut donc, démontrer leur fiabilité, les sécuriser pour instaurer la confiance intrinsèque à ce mode financement à dimension collaborative.