Dans l'Atlas marocain, les berbères d'Imider s'opposent à l'exploitation d'une mine d'argent - Maghreb Emergent

Dans l’Atlas marocain, les berbères d’Imider s’opposent à l’exploitation d’une mine d’argent

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Trois jeunes du collectif ”Mouvement sur la voie de 96”, brutalement arrêtés en mars dernier dans un village berbère des hauteurs de Ouarzazate, dans le sud du Maroc, et emprisonnés depuis pour avoir protesté contre les effets dévastateurs d’une mine d’agent sur leur environnement, ont été condamnés mercredi en appel à trois ans de prison chacun.

La cour d’appel de Ouarzazate a confirmé des peines de prison ferme à l’encontre de ces trois militants, qui protestent contre les conditions d’exploitation d’une des plus grands mines d’argent d’Afrique, selon le collectif ”Mouvement sur la voie de 96”. Omar Moujane, Brahim Hamdaoui et Abdessamad Madri, membres de ce collectif, ont été arrêtés arbitrairement par des gendarmes à Tinghir, selon le collectif. Les trois militants, âgés de 21 à 25 ans, sont accusés de ‘”constitution d’une bande criminelle”, “vol d’argent et commercialisation”, “rassemblement sans autorisation”, “perturbation de la voie publique” et “coups et blessure prémédités”. En plus, ils doivent verser un total de 180.000 dirhams (16.000 euros) de dommages et intérêts, a ajouté ce collectif constitué de villageois d’Imider, qui ont dénoncé “l’absence des conditions de procès équitables” dans cette affaire.
La mine, propriété du roi
En fait, les trois jeunes militants avaient été arrêtés le 1er mars dernier, alors qu’ils se dirigeaient vers une manifestation, organisée par les habitants du village berbère d’Imider, contre les effets polluants de la mine d’argent locale. La ”protesta” contre cette mine d’argent, la plus importante d’Afrique, dure depuis 2012. C’est sur le sommet du mont Aleban que les habitants du village d’Imider, à 200 km de Ouarzazat, dans l’Atlas marocain, organisent depuis trois ans une protestation contre l’exploitation de la mine d’argent, installée sur leurs terres depuis 1969 par le groupe minier marocain Managem, à travers sa filiale, la Société Métallurgique d’Imider (SMI), gérée par la Société nationale d’Investissements, elle même une filiale du groupe Omnium nord africain (ONA), propriété du roi du Maroc. Exploitée depuis 1969, la mine produit en moyenne chaque année plus de 240 tonnes d’argent. En 2010, son chiffre d’affaires était de 74 millions d’euros, plaçant le Maroc au premier rang des producteurs d’argent en Afrique. Suffisant pour provoquer la colère des habitants d’Imider.«Nous sommes ici depuis deux ans et demi et personne n’entend nos appels à l’aide. J’ai voté en faveur de la nouvelle Constitution car j’espérais du changement, plus d’égalité. Mais nous sommes seulement égaux dans la pauvreté”, explique Mina Ouzzine, une ”indignée” du village.
Age de pierre
Mais si la SMI génère chaque année des résultats d’affaires en hausse, la population locale ploie sous la misère. Selon un reportage du New York Times réalisé en 2012, ”les habitants, eux, vivent à l’âge de pierre, dans l’indigence et la pauvreté. Ils n’ont ni routes, ni dispensaires, ni écoles, ni réseau Internet. L’hôpital le plus proche est situé à 200 km”. Autre raison de la colère des habitants d’Imider, qui revendiquent des postes d’emplois dans la mine : la pollution de l’eau au cyanure et au mercure, deux produits chimiques que la SMI utilise pour le traitement du minerai. Ensuite, la faiblesse et l’interruption du débit d’eau dans les puits et dans les robinets des habitants ont enclenché le mouvement de colère. ”Dans les années 1990, nous avions des arbres, des fruits, de l’huile, des amandes. Mais tout ça n’existe plus depuis que la mine a commencé à pomper l’eau. Depuis que nous avons coupé leur eau, en 2011, nos puits commencent à se remplir de nouveau”, observe Boutahar, un agriculteur de 70 ans.
Revendications ignorées
Les revendications des habitants d’Imider sont connues des responsables de la SMI et des autorités. Il s’agit d’abord de reverser une partie des profits de la mine et 75 % des recrutements soient réservés aux habitants de la région touchée par la sécheresse et le chômage, ainsi que la participation au développement économique et social de cette région, considérée comme l’une des plus pauvres au Maroc. Déterminés à lutter pour leurs droits, plusieurs milliers d’hommes, de femmes et d’enfants ont construit des abris de fortune au sommet du mont d’Aleban, à 1400 mètres d’altitude, en dépit des conditions climatiques rudes et des intimidations des autorités marocaines, pour revendiquer leurs droits.

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