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Opinions

Elections présidentielles d’avril 2014 : le système aux aguets

Par Yacine Temlali
mars 12, 2014
Elections présidentielles d’avril 2014 : le système aux aguets

 

Pour l’auteur de cette contribution*, « orpheline d’une direction et d’un projet politique, la protestation populaire oscille entre une indignation désarmée et l’émeute, avec tous les dangers d’une dégénérescence dans une logique communautaire ».

 

 

La candidature du président sortant, malade et à la limite de l’infirmité, à l’élection présidentielle d’avril 2014 crée un malaise et de l’indignation chez une grande partie de la population. Mais face à l’égo surdimensionné d’un Abdelaziz Bouteflika qui veut finir sa vie sur le fauteuil présidentiel, c’est le vide politique sidérant.

Dans cette situation à mi-chemin entre farce et tragédie, aucune opposition un tant soit peu représentative n’offre à la population une candidature capable d’affronter l’homme du système. Que ce soit chez la « bourgeoise » libérale ou dans la gauche antilibérale, du côté de la centrale syndicale ou au sein des partis de l’Alliance présidentielle ou encore chez islamistes, l’opposition à la candidature d’Abdelaziz Bouteflika est réduite à un discours de lamentation et à des positions de principe sans écho au niveau populaire. De même, sur le plan institutionnel, le système politique en Algérie ne dispose plus de structures de décision légitimes et représentatives ou de personnels politiques en mesure de contrecarrer le projet d’un quatrième mandat et de proposer une alternative.

Pourtant il y a nécessité impérative à s’opposer au quatrième mandat de Bouteflika. D’abord, parce que celui-ci n’a plus les capacités physiques pour assurer une telle fonction : lui faire jouer le rôle de sauveur de la nation jusqu’aux dernières secondes de sa vie c’est franchir le Rubicon de l’immoralité et du mépris de l’éthique politique. Ensuite, parce qu’il a été l’architecte principal d’un système politique et économique où prédation et corruption riment avec gabegie dans la gestion des deniers publics. S’opposer à sa candidature dans ces conditions c’est aller au-delà du droit que lui accorde formellement la Constitution de briguer un autre mandat. C’est refuser le pillage du pays et replacer sur la scène politique le débat sur la corruption, les dessous de table, les hypothèques sur l’indépendance nationale, les méfaits du libéralisme économique et l’absence de démocratie dans l’exercice du pouvoir.

Dans cette situation, orpheline d’une direction et d’un projet politique, la protestation populaire oscille entre une indignation désarmée et l’émeute, avec tous les dangers d’une dégénérescence dans une logique communautaire. Nous en avons déjà un avant-goût dans ce qui s’est passé dans la vallée du Mzab.

 

Jeux et enjeux d’une non-élection

 

L’éclairage de la psychologie et de la culture est insuffisant pour comprendre cette situation. La sociologie politique fournit une meilleure clé de lecture de l’impasse actuelle, notamment sa logique de classes sociales.

Il y a trois niveaux qui traduisent cette situation d’inertie politique. D’abord, il y a la recherche de consensus au niveau interne au régime, un consensus bourgeois/libéral. Le soutien de l’Organisation nationale du patronat et des entrepreneurs (ONPE) à la candidature d’Abdelaziz Bouteflika, comme le ralliement d’une aile du Forum des chefs des entreprises (FCE), sous impulsion de l’entrepreneur Ali Haddad, à cette candidature sont révélateurs de la recherche de ce consensus au niveau des catégories sociales dominantes. L’incapacité du patronat à émerger comme acteur politique, son manque de légitimité historique[1], son déficit démocratique et sa faible assise sociale l’ont amené à s’accrocher aux caprices d’un président malade pour faire passer sa pilule en douce.

Cette recherche de consensus est accueillie avec une certaine neutralité au niveau populaire. En effet, à ce niveau se développe une volonté de se prémunir d’une crise politique qui ferait remonter en surface le drame sécuritaire des années 1990. Les crises que vivent certains pays arabes jouent, dans ce cas, le rôle de repoussoir contre toute aventure « révolutionnaire ». L’expérience de l’Algérie dans les années 1990, ce qui se passe en Egypte, en Libye, en Syrie ou actuellement en Ukraine sont évoqués pour justifier une démarche prudente de quête de « consensus afin de sauver le pays, consolider l’Etat et réformer le système de l’intérieur. Ce discours se nourrit et nourrit des visions « complotistes » des événements dans la région vus sous l’angle de la manipulation intérieure ou extérieure. Il faut dire aussi que l’impasse politique est atténuée par une certaine stabilité sociale et économique due, entre autres, à la bonne santé financière de l’Etat sous le règne de d’Abdelaziz Bouteflika, au maintien, sous la pression populaire, d’un secteur public traditionnel (santé, enseignement, électricité, logement…) et à une économie informelle qui atténue le chômage, expression de la crise structurelle du capitalisme algérien.

 

Une candidature pour neutraliser le débat

 

Cette recherche de consensus est aussi (et surtout) soutenue au niveau international car un tel consensus

sert les intérêts des puissances impérialistes, notamment français. L’Algérie d’Abdelaziz Bouteflika offre au capital financier et industriel mondial en pleine crise un marché en pleine expansion, mais surtout un territoire disposant d’importantes sources d’énergie : gaz, pétrole, gaz de schiste, uranium et …soleil pour les énergies alternatives, impératives pour la survie de l’économie capitaliste mondiale.

La recherche de consensus a donc un sens politique : la candidature d’Abdelaziz Bouteflika sert à neutraliser le débat politique, à donner aux contradictions politiques un cachet subjectif et à empêcher une intervention des couches populaires et travailleuses dans le choix du futur président. En résumé, elle donne un sursis au pouvoir.

Cette situation peut, cependant, s’ouvrir sur de nouvelles dynamiques que peuvent porter de nouvelles générations mais qui nécessitent un travail laborieux afin de gagner les classes populaires à l’idée de changement démocratique, social, dans la défense de la souveraineté nationale.

 

(*) Nadir Djermoune est enseignant à l’Université de Blida.



[1] Voir sur cette question Mohammed Harbi : « Bilan d’une guerre d’indépendance », in, http://www.canal-u.tv/video/universite_de_tous_les_savoirs/bilan_d_une_guerre_d_independance.1268

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