Hamid Benyoucef, HB-Technologies : "La SATIM n’a pas développé la monétique en Algérie" - Maghreb Emergent

Hamid Benyoucef, HB-Technologies : “La SATIM n’a pas développé la monétique en Algérie”

Hamid Benyoucef HB-Technologies
Facebook
Twitter

Hamid Benyoucef HB-Technologies

 

Hamid Benyoucef, fondateur et PDG de la société HB-Technologies, spécialisée dans la fabrication des cartes à puce, explique dans cet entretien les raisons du retard du lancement de la monétique. Il estime aussi que la sécurité des données des Algériens a été livrées au bon gré des boites étrangères qu’il dit “soutenues par des lobbys aux ramifications tentaculaires”.

 

Pouvez vous présenter HB-Technologies ?

HB-Technologies est une entreprise familiale de droit algérien, créée en 2004. L’entrée en production est intervenue le premier janvier 2007. Nous sommes versés dans les solutions IT. Notre spécialité reste la fabrication de la carte à puce pour la téléphonie mobile, mais également pour le secteur bancaire, ainsi que les cartes d’identification et d’authentification. Nous employons actuellement 102 personnes dont 50 % de jeunes issus de l’université algérienne. Nous comptons aussi quatre PhD qui reviennent de l’étranger. Notre force réside dans notre centre de recherche et développement et HB LAB que nous avons mis en place dès la création de l’entreprise. HB-Technologies fait partie des rares entreprises qui font dans la R&D, qui coûte très cher en équipements et ressources humaines qualifiées. Mais c’est un investissement indispensable pour notre métier, d’autant que je reste persuadé que le transfert de technologie ne peut s’acquérir par l’argent. Je suis aussi de ceux qui voient le salut de l’Algérie venir uniquement des entreprises qui vont créer leurs propres technologies et savoir-faire.

 

Vous vous positionnez comme un concepteur et producteur. Quel est le taux d‘intégration de vos produits ?

Dans le logiciel, le produit est à 100 % réalisé par nos équipes. Il faut toutefois admettre que toutes les entreprises telles que la nôtre à travers le monde ne fabriquent pas leurs hardwares. C’est l’apanage d’une dizaine de fabricants dans le monde. Même les grands fabricants eux-mêmes ont lâché la fonderie, car elle n’est plus rentable. Le nombre de fabricants de puce dans le monde ne dépasse pas quatre. Ils fabriquent pour le monde entier. Ce sont des fondeurs. Ils développent, si je puis dire, des réservoirs. Mais ce qui doit être à l’intérieur, il faut le développer soi même, avec votre OS (Operating System). Notre produit phare actuellement c’est le GSM, la carte bancaire, l’identité et l’authentification PKI.

 

Le lancement de la 3G vous donne-t-elle l’opportunité de l’émergence d’un nouveau marché pour les SIM. A combien peut-on l’évaluer ?

Pas du tout. Au contraire, nous sommes dans une période creuse. La raison réside, à mon sens, dans le fait que les puces déjà livrées aux opérateurs disposent simultanément de la technologie SIM et USIM. Donc 2G et 3G++. Cela dit, nous ne sommes pas l’unique fournisseur du marché de la téléphonie mobile en Algérie. Nous fournissons aux trois opérateurs (Ooredoo, Mobilis et Djezzy) à hauteur de 65% de leur demande dans ce segment. Les puces que nous fabriquons actuellement correspondent à la 128 USIM, soit la 3G++, qui donne la possibilité d’avoir deux numéros sur la même SIM. Ainsi, on fabrique le même volume que d’habitude (SIM), la SIM de 35 à 50 DA. Je vous rappelle que nous avons investi le secteur de la téléphonie mobile en 2010 et notre contribution a permis d’économiser à l’Algérie près 50 millions de dollars en réduisant la facture des importations. Avant notre arrivée sur ce marché, la carte SIM coûtait 1,40 dollars et nous avons cassé les prix avec un savoir-faire algérien. Par ailleurs nous fournissons actuellement des cartes SIM à l’Irlande, l’Angleterre, le Mali, et nous sommes entrain de valider les produits pour l’Afrique du Sud. Nous avons également pu exporter des cartes de carburant en Tunisie et dans 7 autres pays africains pour le compte d’un groupe pétrolier de renommée mondial. Notre objectif, en 2014, est de parvenir à exporter pour une valeur de 1 million d’euros en cartes à puces. Notre chiffre d’affaire a avoisiné 10 millions d’euros en 2013, et nous avons un objectif de croissance de 10 % en 2014.

 

Et le marché de la monétique est-il à votre avantage ?

Ce secteur demeure très en retard. La SATIM qui gère l’interbancaire, depuis sa création, il y a plus de 20 ans, n’a pas fait grand-chose. Elle n’a pas franchement développé la monétique en Algérie. Elle a émis moins d’un million de cartes interbancaires EMV (European Mastercard & Visa), alors le système bancaire n’est pas aux normes et standards internationaux. Tandis qu’Algérie Poste dispose de 7 millions d’utilisateurs de cartes double application (paiement et retrait) que HB-Technologie lui fournit. Il faut noter que la SATIM est toutefois censée être un centre de régulation des normes EMV de la CIB. Alors Il faut que l’Etat prenne le taureau par les cornes pour adapter la monétique au standard EMV comme partout dans le monde. L’Algérie ne dispose pas de système monétique standard. La création d’un Groupement d’intérêt économique (GIE) pour gérer les standards est la seule chose qui puisse faire décoller la monétique en Algérie.

 

Avez-vous soumissionné pour le passeport biométrique ?

Nous avons participé à l’appel d’offres et le contrat est revenu aux Français. Malheureusement notre soumission a été jugée trop chère, bien que nous sommes la seule et unique entreprise disposant d’une clé de chiffrement PKI (Public key infrastructure) dans la région Afrique-Moyen Orient, en dehors d’Israël. Le problème c’est qu’on considère encore en Algérie qu’une entreprise qui dispose d’une PKI est quelque chose d’anormal, alors qu’on l’acquiert de l’étranger. Je pense que stratégiquement le gouvernement fait une faute grave en lançant un appel d’offres international sans tenir compte de la question de la souveraineté ni de la sécurité des données des Algériens. La même erreur a été commise avec le dossier de la carte Chifa. Le fournisseur étranger de la CNAS a livré un système fermé. Et la CNAS ne pourra jamais changer de fournisseur tant que les clés de cryptage sont chez son ancien fournisseur. Chose inacceptable dans tous les pays du monde sauf en Algérie, alors que la loi algérienne exige différents fournisseurs. Le système fourni à la CNAS est excellent. Ce qui est grave, c’est d’avoir livré une cartographie médicale de l’Algérie à une boite étrangère. Dans notre domaine nous faisons face à une rude et déloyale concurrence des boites étrangères soutenues par des lobbys aux ramifications tentaculaires. Et souvent dans les appels d’offres ces mêmes boites soumissionnent avec des prix largement inférieur au coût réel de la solution électronique pour se rattraper plus tard en position de monopole. Vous n’allez qu’à voir la situation de la CANAS aujourd’hui qui est en rupture de stock de cartes et qui est en train de s’approvisionner en gré à gré. L’appel d’offres ne sécurise pas le pays. Nous avons en Algérie des compétences pour développer nos propres produits et solutions.

 

Où est-on avec votre projet de partenariat avec le tunisien Médiatel ?

Le projet de lancer une société maghrébine dans la fibre optique n’a pas abouti pour des raisons liées aux délais de transfert d’argents vers l’Algérie qui ont dépassé les 6 mois. C’est un délai trop long pour faire du business. Nous avons non seulement abandonné notre partenaire mais aussi notre projet. Toutefois, HB-Technologies ambitionne de devenir un MVNO, dès que la loi sur les télécommunications le permettra. Nous voulons aussi nous développer dans les domaines des cartes d’identité, des permis de conduire et des cartes grises électroniques, en partenariat avec des centres de recherche algériens comme le CDTA, l’ENSI ainsi que d’autres universités.

 

 

Propos recueillis par Yazid Ferhat

 

Facebook
Twitter