Le rattrapage technologique de la 3G lancée, il y a près 5 mois, n’a pas joué son rôle dans le développement des TIC en Algérie, estime Nassim Kerdjoudj. Pour le PDG de Net-Skills, une société de services informatiques, l’économie numérique a été le plus grand perdant dans ce rattrapage, qui n’a pas favorisé la création d’un écosystème autour de la 3G.
Après plusieurs années d’une offre Internet restreinte, symbolisée par le slogan « le bon choix », mais unique d’Algérie Télécom, qui exerce un véritable monopole sur la bande passante en Algérie, Internet s’est diversifié avec le lancement, à la mi-décembre dernier, de la technologie 3G mobile. Au-delà de la cherté des offres, bien que diversifiées, de Ooredoo (ex-Nedjma) et ATM-Mobilis, proportionnellement à des volumes data limités, l’on s’interroge, cinq mois après, sur les effets de la 3G sur l’économie du pays. A-t-elle permis le développement d’un écosystème qui favoriserait l’émergence d’une économie numérique, comme l’espéraient des experts algériens qui étaient convaincus que l’avenir numérique de l’Algérie est dans l’Internet mobile ?
Pour Nassim Kerdjoudj, PDG de Net-Skills, une société de services informatiques, les offres de l’Internet mobile se sont certes diversifiées, mais les résultats sur le terrain ne sont pas encore perceptibles. Selon ce jeune expert de l’économie numérique, la 3G mobile, lorsqu’elle est lancée dans un pays donné, draine automatiquement une économie dans son sillage, ce qui qui favorise l’émergence de milliers de nouvelles entreprises et la création d’emplois et de la richesse.
Or, a-t-il observé, le développement de la 3G en Algérie n’est suivi d’aucun impact sur l’économie nationale. « Aucun écosystème n’a été créé autour de cette technologie qui permet, avant tout, l’utilisation des applications mobiles », a-t-il observé. Pour lui, la 3G n’est pas, à la base, une technologie qui sert seulement à donner accès à Internet aux utilisateurs. « C’est une offre dédiée à du contenu mobile via une technologie qui rend le mobile aussi performant qu’un ordinateur en termes d’accès à Internet mais pour du contenu mobile », a-t-il expliqué.
Pour M. Kerdjoudj, le lancement de la 3G doit avoir pour finalité de développer une économie numérique tout autour, avec une industrie du contenu, des entreprises qui devraient développer des solutions de mobilité, des applications mobiles qui vont permettre aux utilisateurs d’accéder à de nouveaux services…etc. Or, en Algérie, «on a fait de la 3G un enjeux de démocratisation de l’accès à Internet pour toute la population après l’échec d’Algérie Télécom dans sa généralisation. Et les opérateurs mobiles ont joué le jeu sur le fait que la 3G va permettre à tout le monde d’accéder à Internet», a-t-il analysé.
Un échec pour l’économie numérique
Le patron de Net-Skills est catégorique. La 3G en Algérie a été un échec pour l’économie numérique qui n’a pas été précédé d’une « réflexion globale » sur le développement de cette économie. Les pouvoirs publics auraient dû, selon lui, offrir la licence 3G (cédée à 30 millions de dollars) gratuitement, mais leur demander à chacun d’investir 50 millions de dollars dans un fonds d’investissement dédié à financer des startups et des entreprises innovantes qui vont développer du contenu autour de la 3G.
M. Kerdjoudj estime qu’avec 150 millions de dollars, 2000 à 3000 start-ups spécialisées dans l’économie numérique seraient créées et qui auraient généré des milliers d’emplois et des centaines de millions de dollars de chiffres d’affaires sur les 5 prochaines années. Pour créer une industrie du contenu mobile, il faut, selon lui, tout un dispositif à mettre en place, notamment le fonds d’investissement pour les start-ups technologiques, que les banques traditionnelles rechignent à financer.
Sans cet écosystème numérique, étant donné l’absence de contenus local, les utilisateurs de l’Internet mobiles sollicitent de plus en plus de la bande passante internationale. «Il y aurait, à terme, une augmentation significative de la consommation de la bande passante des câbles sous-marins au détriment des abonnés d’Algérie Télécom, car l’ADSL et la 3G empruntent le même canal à l’international», a-t-il expliqué. Ainsi, notre interlocuteur conclut que la 3G, qui devait être un rattrapage technologique pour le développement des TIC en Algérie, n’a pas eu d’impact réel sur le développement de la créativité, de la création de nouvelles opportunités, sur l’emploi et la croissance hors hydrocarbures.