Les énergies renouvelables ne sont pas une priorité pour Sonelgaz. Le PDG de la compagnie, Noureddine Bouterfa, n’hésite plus à afficher ses choix « fossiles », sur un terrain sujet à polémique.
La compagnie publique algérienne Sonelgaz tourne progressivement le dos aux énergies renouvelables. Par petites touches, le PDG de la compagnie prend ses distances sur ce sujet, faisant valoir alternativement les difficultés financières de l’entreprise, l’insuffisance des investissements, les coûts élevés de l’énergie renouvelable, et l’aspect non prioritaire du renouvelable pour une compagnie souvent critiquée pour ses faibles performances.
L’ambitieux programme d’investissement dans les énergies renouvelables annoncé par le gouvernement ne concerne pas Sonelgaz. « Ce n’est pas ma priorité », a déclaré M. Noureddine Bouterfa, PDG de la compagnie. Celle-ci est d’abord centrée sur ses propres préoccupations, qui consistent à « satisfaire les besoins des Algériens » en électricité. Et pour ceux-ci, « peu importe l’origine » de l’énergie produite, estime M. Bouterfa. Pour lui, Sonelgaz « ne peut pas mobiliser » de l’argent dans le renouvelable « quand cette somme donne trois fois plus en électricité produite à partir du gaz ».
« J’insiste, le renouvelable, ce n’est pas un programme Sonelgaz », a souligné M. Bouterfa au cours d’une émission de radio. La compagnie a opté pour un volume de 3.500 à 4.000 mégawatts d’ici 2020, avec une moyenne de 400 mégawatts par an. Mais ce programme sera réalisé « sous réserve de disponibilité financière », a-t-il dit, rappelant que la compagnie est soumise à des restrictions dans le domaine des investissements, en raison de la baisse des recettes extérieures du pays. «Nous sommes sous contrainte financière », a-t-il affirmé.
Pas d’argent !
M. Bouterfa a aussi fait état d’un nouveau cap dans les investissements de la compagnie, qui doivent désormais se faire selon un système triangulaire, associant Sonelgaz, une compagnie publique algérienne, et un partenaire étranger qui apporterait la technologie. Il a émis l’espoir que ce schéma fonctionne, laissant entendre qu’il en doutait. Il faudra aussi trouver 100 milliards de dinars par an (un milliard de dollars) pour réaliser ces investissements dans le renouvelable, alors que Sonelgaz accuse un déficit annuel de 80 milliards de dinars (800 millions de dollars).
« S’il y a disponibilités bancaires, oui ». Par contre, « si notre industrie ne peut pas absorber ces investissements, il faudra différer » les investissements dans les énergies renouvelables, a-t-il déclaré. Si Sonelgaz mobilise mille milliards de dinars pour ses investissements auprès des banques, cela signifie que cette somme ne sera pas utilisée dans d’autres secteurs, a-t-il plaidé. Il a aussi mis en doute la rentabilité économique des projets en question. « A quel coût seront menés ces projets ? », s’est-il demandé. A peine a-t-il admis que l’énergie renouvelable permettrait d’économiser des ressources en gaz naturel, qui pourraient être exportées.
Zigzags
Par contre, pour l’énergie classique, M. Bouterfa s’est montré rassurant. « Pas de difficultés » en vue, a-t-il déclaré. En 2014, Sonelgaz a investi 600 milliards de dinars (six milliards de dollars). Ces déclarations de M. Bouterfa montrent par ailleurs que le PDG de Sonelgaz prend clairement ses distances avec le programme du gouvernement en matière de renouvelable, d’autant plus que l’exécutif a fait preuve de peu de constance sur ce terrain. Le ministre de l’Energie, Youcef Yousfi, est connu comme très attaché aux énergies fossiles.
Après de nombreuses hésitations, et une méfiance affichée envers le renouvelable, le ministère de l’Energie a changé de cap, en annonçant son intention de lancer un ambitieux programme pour produire 22.000 mégawatts à l’horizon 2030, ce qui représenterait le quart de la consommation algérienne. M. Youcef Yousfi avait donné le ton le 23 février, en pleine agitation contre l’exploitation du gaz de schiste. D’autres relais avaient ensuite fait état d’un changement de priorité, pour aller en premier vers le photovoltaïque plutôt que vers le solaire thermique. Mais auparavant, l’Algérie avait décliné les sollicitations pour rejoindre Desertec, un vaste projet destiné à alimenter l’Europe à partir d’énergie solaire produite en Algérie. Les hésitations algériennes, et la chute des prix du pétrole et du gaz, ont ensuite provoqué une mort virtuelle du projet.