Le Maroc est présent en Afrique noire à travers ses banques et ses firmes de télécoms. L’Algérie n’y est présente qu’à travers la compagnie pétrolière publique Sonatrach : les investissements projetés par le groupe privé Cevital sont contrariés par les difficultés de transfert de devises à l’étranger. La Tunisie, quant à elle, a une présence toute symbolique dans cette région mais son patronat privé semble avoir compris l’importance des opportunités qu’elle offre.
Les investissements directs en Afrique ont enregistré une croissance spectaculaire ces dernières années. Les investissements inter-africains aussi. La part des entreprises venant du Maghreb est très faible : le Maroc, la Tunisie et l’Algérie ne figurent pas dans le classement des pays émetteurs mené par l’Afrique du Sud, le Nigéria et le Kenya. Il n’en demeure pas moins vrai que les entreprises du Maghreb se tournent bien de plus en plus vers l’Afrique. Elles tentent une ouverture vers ce marché attractif pour les IDE au moment où les autres groupes régionaux enregistrent un tassement des investissements.
Il y a d’abord l’investissement intermaghrébin, à travers la création de filiales au Maghreb pour ensuite s’ouvrir sur l’Afrique subsaharienne. C’est le cas, par exemple, de la filiale maghrébine de la société Africa Invest, spécialisée dans le financement et l’accompagnement des petites et moyennes entreprises (PME) : cette société, qui a accompagné des entreprises maghrébines, dont l’Algérienne NCA-Rouiba, s’est frayée un chemin vers l’Afrique.
Devant les obstacles à la réalisation d’une union maghrébine, l’investissement intermaghrébin s’est réduit à une coopération entre entreprises dans le secteur des services. Car l’implantation d’entreprises de part et d’autre des territoires respectifs des Etats de l’Union du Maghreb arabe (UMA) reste très limitée au secteur des services et de la petite industrie dont le volume d’investissement est en deçà des potentialités de la région.
C’est dans ce contexte que les entreprises du Maghreb ont tenté une ouverture sur l’Afrique subsaharienne qu’un récent rapport de la CNUCED (Conférence des Nations unies sur le Commerce et le Développement) évoque comme recelant d’énormes potentialités pour l’investissement : augmentation du pouvoir d’achat, urbanisation rapide des populations et amélioration de l’environnement des affaires.
Le Maroc le premier à miser sur l’Afrique
Le Maroc est, de loin, le pays maghrébin qui a le plus misé sur l’Afrique, surtout avec la nouvelle orientation de sa politique extérieure vers l’Afrique centrale et l’Afrique de l’Ouest. L’Office chérifien des phosphates, 6,78 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2013, prospecte de nouveaux marchés africains. Mais, le royaume a déjà ses assises en Afrique ; dans l’électricité, le BTP, les TIC et la finances.
Le cabinet Grant Thornton explique, dans le 3ème numéro de sa revue trimestrielle Regards, que la coopération entre le Maroc et l’Afrique subsaharienne a été marquée « tout d’abord par l’implication d’entreprises publiques marocaines notamment l’ONE et l’ONEP dans la mise en œuvre de différents projets ayant trait au développement » avant de l’ouvrir au secteur privé marocain.
Actuellement, les trois plus grandes banques commerciales du Maroc, Attijariwafa Bank (ATW), BMCE Bank et la Banque centrale populaire (BCP) sont présentes dans une vingtaine de pays africains. Maroc Telecom est présent à travers 4 filiales toutes leaders ou opérateurs de référence sur leurs marchés respectifs avec 30 millions de clients mobiles : Mauritel acquise en 2001 en Mauritanie, Onatel en 2006 au Burkina Faso, Gabon Telecom en 2007, Sotelma en 2009 au Mali. Ce sont là quelques acquisitions faites par des entreprises marocaines en Afrique, ce qui place le Maroc au rang de premier pays nord-africain « agressif » en matière d’IDE dans ce continent avec 1,04 milliard de DH en 2013 (quelque 100 millions d’euros.
Algérie : des initiatives privées bloquées par la rigidité de la loi sur la monnaie
L’Algérie, elle, n’est présente en Afrique qu’à travers Sonatach. La puissante compagnie publique des hydrocarbures, 72 milliards de dollars de chiffre d’affaires et un résultat net de 9 milliards de dollars (2011), opère à l’étranger depuis une dizaine d’années et dispose d’une filiale, Sipex, qui lui permet d’être présente dans quelques pays subsahariens. Elle travaille sur des blocs d’exploration au Mali et au Niger, en Mauritanie et en Libye.
Mais c’est l’initiative privée qui a fait tourner les regards vers l’Afrique ces dernières années en révélant que ce continent renferme d’énormes opportunités d’investissement pour l’Algérie. Le PDG de la première entreprise privée algérienne, Cevital (3 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2013), Issad Rebrab, a annoncé de nombreux projets en Afrique : acquisition de terres fertiles dans la Corne de l’Afrique ainsi qu’en Côte d’Ivoire, reprise d’un complexe sucrier au Mali, des projets d’usines de sucre au Soudan, au Kenya, en Ethiopie et au Mozambique, et un complexe agroindustriel au Djibouti. Les visées « africaines » du groupe privé algérien se heurtent, cependant, au problème du transfert des devises vers l’étranger soumis à l’aval de la Banque d’Algérie.
Tunisie : une nouvelle stratégie tournée vers l’Afrique en 2014
Hormis une présence timide en Côte d’Ivoire, les entreprises tunisiennes brillent par leur absence du continent africain. Selon des observateurs, cet état de fait démontre que les opérateurs tunisiens restent prisonniers de la vision centrée sur les activités de sous-traitance, les localisations et les partenariats avec les firmes européennes.
Cependant, le patronat tunisien semble vouloir s’ « affranchir » de cette vision étroite, au moment où la Tunisie enregistre une baisse de près des IDE (-24 % en 2013). L’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (UTICA) a consacré, dans son plan d’action pour 2014, un large volet à prospection de marchés africains. La centrale patronale tunisienne organisera ainsi en 2014 trois missions d’affaires dans trois pays d’Afrique. Pour entamer l’application de cette nouvelle orientation, une mission économique de prospection des opportunités d’affaires est attendue au Cameroun du 25 au 28 février prochain.