2014, année du redémarrage du tourisme tunisien ? S’il est encore trop tôt pour l’affirmer, les autorités veulent y croire et visent officiellement le seuil de 7 millions de visiteurs.
Un objectif ambitieux car équivalent à celui de 2010 (6,9 millions), année de « référence » avant que la chute du régime de Zine el-Abidine Ben Ali en janvier 2011 ne plonge le pays dans l’instabilité et ne fasse tomber ce chiffre à moins de 5 millions. Voire 3,5 millions si l’on exclut les « touristes » libyens exilés momentanément ou de manière durable en Tunisie pour échapper au chaos qui règne dans leur pays. Pour Tunis, la saison en cours doit donc permettre le retour des touristes occidentaux, notamment français et allemands, qui ont toujours constitué l’essentiel des visiteurs en période estivale. Dans un contexte sécuritaire moins tendu qu’il y encore trois mois, le gouvernement de Mehdi Jomaâ entend donc capitaliser sur une image internationale qui tend à s’améliorer même si ses homologues européens restent encore prudents. Pour Preuve, Paris, comme Berlin et Londres, refusent à ce jour de lever les mises en garde adressées à leurs ressortissants qui souhaitent se rendre en Tunisie. Une situation qui constitue un obstacle rédhibitoire pour nombre de tours opérateurs qui préfèrent éviter de commercialiser les séjours en Tunisie.
Stars Wars à Tataouine
Pour autant, et à en croire Amel Karboul, la nouvelle ministre du tourisme, il n’est pas question que la Tunisie s’engage dans une campagne classique de promotion en Europe. Austérité budgétaire oblige, Tunis ne peut en effet se payer les services d’agences de communication comme c’était souvent le cas durant l’époque Ben Ali. S’adressant à la presse tunisienne, la ministre a expliqué que son pays devrait faire preuve d’inventivité avec notamment le « recours aux réseaux sociaux ».Récemment, une version tunisienne de la chanson « Happy » du chanteur Pharrell Williams a fait le tour d’internet car ayant été tournée à Tataouine, un village dans le sud du pays où a été tourné un épisode de la série Star Wars. A l’abandon et menacés de destruction, les décors du film sont en passe d’être réhabilités pour attirer ne serait-ce qu’une partie infime des dizaines de millions de fans de la saga. Outre un festival de musique électronique organisé récemment, les autorités prévoient d’autres manifestations et espèrent que cela dopera le tourisme local.
L’impasse du balnéaire
Plus important encore, et pour la première fois dans le discours officiel, Tunis reconnaît que la prépondérance du balnéaire a mené le secteur dans l’impasse et cela dans un contexte où l’offre « sea and sun » (mer et soleil) profite plus à des destinations comme la Turquie ou la Croatie. Du coup, l’idée du développement d’un tourisme alternatif fait son chemin. « Notre pays a des moyens financiers limités et ne peut détenir de solution miracle pour le secteur. Il faut faire preuve d’originalité » a confirmé Amel Karboul lors d’une réunion publique organisée à Tunis par le British Council. La responsable a aussi estimé que la Tunisie a les moyens d’attirer 20 millions de touristes d’ici 2025, un niveau que même l’Egypte d’avant la chute du régime de Hasni Moubarak n’a jamais été capable d’atteindre. Développement des gites et des chambres d’hôte, investissement dans les labels de développement durable, tourisme solidaire à l’intérieur du pays, écotourisme, tourisme archéologique : les pistes de réflexion ne manquent pas mais, à en croire un spécialiste du secteur, la position gouvernementale reste trop timide et évite de poser deux questions fondamentales : « il y a d’abord la question du positionnement stratégique du secteur et sa nécessaire montée en gamme. On ne peut pas continuer à accueillir des légions de touristes européens désargentés qui n’apportent aucune valeur ajoutée. Ensuite, il y a le problème des hôtels en quasi-faillite et de leur dette importante à l’égard des banques. Qui va payer cette ardoise ? Et comment convaincre les investisseurs étrangers de parier sur des établissements haut-de-gamme en Tunisie ? »
Le «tourisme islamique » a disparu des radars officiels
Des questions à ce jour sans réponse. Mais une chose est certaine, le développement du « tourisme islamique », notamment l’offre à destination des pays du Golfe, a disparu des radars de la communication officielle. Pour mémoire, c’était l’une des options avancées par le précédent gouvernement dominé par le parti islamiste d’Ennahdha. Aujourd’hui, le gouvernement Jomaâ parle plutôt de « tourisme religieux », expression qui a l’avantage de concerner toutes les confessions. Autre propos habituel dans un passé récent mais qui semble être passé au second plan, l’incitation adressée aux touristes algériens pour qu’ils reprennent le chemin de la Tunisie. La saison passée a laissé un goût d’inachevé aux opérateurs tunisiens puisque l’objectif du million de touristes n’a pas été atteint (entre 900.000 et 950.000 selon les sources). L’amélioration de la situation sécuritaire tunisienne va-t-elle convaincre les touristes algériens de reprendre le schéma de Hammamet, Sousse ou Djerba ? Réponse en juillet prochain.