Le paiement électronique n’est plus à réinventer. Il a ses normes, juridiques et technologiques pour mériter cette qualification. Les différentes formes de paiement en ligne lancées à ce jour en Algérie n’en sont pas vraiment. Des explications…
Depuis quelques semaines, la version paiement en ligne d’Algérie Poste (AP) fait les gros titres, avec un « décollage » annoncé par certains médias publics. Si les déclarations de M. Mahloul, premier responsable d’AP, ont fait croire que ce service est totalement opérationnel, le paiement électronique « fixe » ou mobile est loin d’exister sur le terrain. Le paiement en ligne n’est toujours pas au rendez-vous malgré l’existence de douze millions d’internautes algériens. Certes, aujourd’hui, quelques factures comme celles du téléphone ou de l’électricité, peuvent être payées en émettant des virements des comptes CCP via un terminal connecté à Internet ou à un réseau de la téléphonie mobile, ce concept de télépaiement est trop modeste pour être qualifié de paiement en ligne. C’est une cerise sur un gâteau. On parle de paiement électronique ou en ligne lorsque la cerise deviendra plus grosse que le gâteau. En clair, il faudra aller plus loin pour qualifier ce concept d’une solution complète de paiement électronique en ligne. Il faut, par exemple, pouvoir transférer de l’argent à des tiers (de compte à compte) et acheter dans des boutiques physiques via un terminal. C’est ainsi, que l’on définit le paiement électronique en ligne, l’ensemble des transactions d’achats ou de règlements de factures effectuées, en temps réel, avec un terminal, à partir des points fixes ou mobiles, pour l’initiation, l’autorisation et la confirmation d’un échange d’une valeur financière en retour de biens physiques et de services.
Cette opération nécessite une architecture technique spécifique dans laquelle l’usager utilise une application logicielle et une carte à puce contenant des outils d’authentification et de sécurité, insérée à l’intérieur d’un terminal, lequel est relié à un compte bancaire. Par ailleurs, sur le plan réglementaire, aujourd’hui, en Algérie, aucune entité n’est dotée d’une capacité juridique pour assurer le service du e-paiement. L’environnement juridico-financier est un vecteur important dans ce genre de solutions de dématérialisation des paiements. Quand il s’agit de transactions financières, cet environnement doit être soumis à une juridiction spécifique et adéquate, permettant d’assurer une protection optimale des fonds transférés.
Des acteurs non bancaires
S’il faut citer le rôle stratégique du volet juridique, c’est certainement celui à l’origine de l’apparition des acteurs propres à l’environnement du paiement électronique. La législation financière du pays doit être amendée pour créer les établissements de monnaie électronique et de paiement en ligne, deux institutions importantes puisqu’elles permettront à des acteurs non bancaires d’offrir les services du paiement numérique en toute légalité et d’assurer une protection des fonds en faveur de la clientèle. Il faudra donc préalablement, instaurer dans le pays, une véritable révolution juridique, avant de parler de solution de paiement électronique en ligne. Cette révolution permettra à des entités non bancaires de déployer leurs solutions de e-paiement afin de créer de nouvelles sources de revenus et diversifier leur clientèle. Certaines entités, comme les opérateurs de la téléphonie mobile, qui disposent des réseaux, des infrastructures et des technologies nécessaires, pourront alors générer d’autres types de revenus, dans le m-paiement (paiement mobile), par exemple. D’autres, comme les providers des services Internet, sociétés de paiements électroniques ou de sécurité de paiement, vont certainement bouleverser le marché financier du pays.
L’exemple Kenyan
Dans ce contexte, le meilleur exemple est celui du Kenya. Avec la solution de paiement M-Pesa, Safaricom, filiale de Vodafone au Kenya, est devenue un modèle de référence pour les pays africains. Au début de l’année écoulée, plus de 16 millions d’usagers actifs utilisent M-Pesa pour générer mensuellement 650 millions de dollars de transactions. L’abonné dispose d’un « e-compte » sur sa carte SIM, sur lequel il peut verser, recevoir ou transférer de l’argent. Le seul effort qu’il doit fournir c’est celui de savoir manipuler un terminal. L’avantage majeur, est de permettra la traçabilité des transferts. Pour revenir à l’annonce d’Algérie Poste, il faudra interpréter les propos de son patron comme le début de l’étape de test d’une solution de paiement électronique qui permettra l’émergence du e-paiement et sa pratique par et le grand public. Cette première étape permettra à AP et aux opérateurs Algérie Télécom, Mobilis, Djezzy et Ooredoo, de coopérer afin de contourner certains problèmes tels que l’absence de législation, ainsi que la mise en place d’un modèle économique ou le partage de la technologie. La seconde étape sera alors celle de la mise en exécution réelle du paiement en ligne. Des modèles économiques seront ainsi instaurés pour mettre en évidence des relations concurrentielles. Aussi, le cadre juridique qui doit être mis en place permettra à chaque acteur d’offrir le service de façon légale et sécurisée, et commencer à dégager des sources de revenus. Reste à souhaiter que cette première étape sera succédée rapidement par des projets décrets d’application concernant la numérisation des transactions financières en Algérie.