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Le dinar algérien dégringole à son plus bas niveau historique sur le marché informel

Par Maghreb Émergent
juin 23, 2014
Le dinar algérien dégringole à son plus bas niveau historique sur le marché informel

Le dinar plonge sur le marché informel. Une baisse liée à la conjoncture, mais aussi due également à des éléments structurels, qui traduisent le manque de confiance dans la monnaie algérienne.

 

L’euro a dépassé, à la mi-juin, la barre des 160 dinars sur le marché informel algérien. C’est la première fois depuis la création de la monnaie européenne que le dinar atteint une telle parité, augmentant encore le fossé entre taux officiel et taux parallèle. Au square Port-Saïd, principal marché informel des devises à Alger, l’euro valait, en fin de semaine dernière, 160 dinars à l’achat, et 158 dinars à la vente. Ce taux était en vigueur depuis une semaine, à quelques variantes près, après un pic à 162 dinars pour un euro.
A Tlemcen, le pic de 162 dinars a été également atteint, tout comme à El-Eulma. Dans d’autres villes d’Algérie, on signale un taux légèrement en-dessous de 160 dinars, mais la tendance à la baisse de la valeur du dinar semble la même partout.
Ce mouvement reflète une baisse de la valeur du dinar, non une hausse de la monnaie européenne, souligne un économiste. Le dinar chute d’ailleurs par rapport à l’ensemble des devises fortes. Le dollar était côté à 117 dinars à Port-Saïd, à Alger. Au cours officiel, les parités sont de 107 et 79 dinars face respectivement à l’euro et au dollar. Au marché noir, l’euro est exactement 50% plus cher que sur le marché officiel.
Vacances et Omra du Ramadhan
Les acteurs du marché informel invoquent les traditionnelles raisons qui poussent à une baisse du dinar en cette période de l’année. Ils citent notamment l’approche des vacances, période durant laquelle une forte pression s’exerce sur le marché de la devise. Cette année, la Tunisie est plus attractive, avec la baisse de la tension politique, ce qui va augmenter considérablement la demande vers ce pays, observe un analyste.
Autre raison, l’approche du hadj, ainsi que la Omra du Ramadhan, devenue très prisée en Algérie. Un agent touristique note que malgré la chaleur et la menace du coronavirus, la demande demeure « très forte » pour la Omra du Ramadhan, particulièrement celle qui couvre la seconde moitié du mois sacré. Les frais de séjour vont de 260.000 à 300.000 dinars, mais il est très difficile d’obtenir des réservations, dit-il. En période normale, les frais de la Omra ne dépassent guère 150.000 dinars. Des séjours, « avec des conditions très correctes », sont proposés à 120.000 dinars, selon cet agent de voyages.
La confiance des agents économiques
La hausse n’est toutefois pas liée uniquement à la conjoncture. Abderrahmane Hadj Nacer, ancien gouverneur de la banque d’Algérie, l’impute à l’abondance de liquidités sur le marché. « Cela fait des années que le gouvernement distribue de l’argent pour acheter la paix sociale », dit-il, soulignant que « ça devait se répercuter tôt ou tard sur la valeur réelle du dinar ». Il affirme aussi que « la monnaie reflète avant tout le degré de confiance des agents économique et de la population, non seulement dans les perspectives économiques, mais surtout dans la stabilité politique ».
Najy Benhacine, économiste, souligne qu’il y a « une explication naturelle à cette dépréciation du dinar : on consomme trop de produits importés par rapport à notre production. Nous sommes trop gourmands de produits étrangers, et nous ne sommes pas assez compétitifs pour les produite chez nous ». Pour lui, « le dinar officiel est clairement surévalué. C’est un ajustement naturel qui doit se faire. Le dinar doit naturellement se dévaluer et cette pression se reflète sur le marché noir, mais sans améliorer les autres facteurs qui freinent la compétitivité de notre économie ».
Gestion bureaucratique
M. Benhacine estime aussi que «cette dévaluation vient entamer l’augmentation un peu artificielle du pouvoir d’achat que les hausses de salaires de la fonction publique ont permis ces dernières années ». Il s’inquiète également de voir que « le taux parallèle décroche sans que le taux officiel ne suive. Cet écart offre des possibilités de triche et d’arbitrage très rentables, mais illégaux, artificiels, et qui engendrent des distorsions et comportements sans bénéfice économique réel », dit-il.
Le marché de la devise reste géré de manière chaotique par le gouvernement, qui admet l’existence d’un marché parallèle sans pouvoir le contrôler. Des démarches ont été engagées pour mettre en place des bureaux de change, des agréments ont été accordés par la banque d’Algérie, certains ont été retirés, mais les bureaux n’ont jamais fonctionné. « Une simple velléité bureaucratique, irréfléchie et inaboutie », commente un économiste. Un ancien ministre de l’intérieur, Daho Ould Kablia, avait même trouvé des vertus au marché parallèle de la devise, qui permet aux Algériens de trouver une ressource officiellement non disponible pour certains besoins spécifiques (achat de médicaments, paiement de la scolarité d’enfants à l’étranger, etc.).

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