Une démocratie à construire comme le pays au 1e jour de l’indépendance, la démocratie arrivée à bon port, la voie de la sagesse, des dirigeants politiques lucides et visionnaires : les hommages n’ont pas manqué au Café Presse Politique (CPP) de Radio M, sur l’issue des législatives en Tunisie.
Mais de là à penser que le modèle tunisien est exportable dans le monde arabe, les avis étaient partagés autour de la table du CPP. Seul point de convergence, la transition démocratique en Tunisie, matérialisée par des élections législatives réussies et un parti islamiste qui a accepté la défaite face à la coalition de Nidae Tounes de Béji Caid Essebsi. A l’annonce des résultats de cette élection, le chef de la mouvance islamiste tunisienne Ghanouchi ne s’est pas contenté de reconnaitre sa débâcle, mais appelle son adversaire politique pour le féliciter, « fait unique dans le monde arabe ».
La défaite des islamistes est diversement appréciée : Ennahda, sous la pression internationale, a délibérément opté pour ne pas exercer le pouvoir. «Ennahda n’a pas fait de campagne, elle a choisi de ne pas gagner cette élection, » estime Abed Charef, qui tempère le succès tunisien en rappelant qu’avec une coalition hétéroclite menée par Béji Caid Essebsi, 88 ans et ancien patron de la police sous Bourguiba, « le renouveau n’est pas vraiment au rendez-vous ». La gauche radicale tunisienne, représentée par le CPR de Moncef el Marzougui et Etakatol de Mostefa Bendjaafar, a été complètement laminée par ce vote.
Forte mobilisation et véritable enjeu électoral
Le taux de participation – 62% – est qualifié de correct pour un pays maghrébin, comparé aux taux « Bouteflikiens » des 15 dernières années en Algérie. Il est le résultat d’une large mobilisation populaire autour d’un véritable enjeu politique qui engage l’avenir du pays. « Les tunisiens ont investi très tôt les bureaux de vote, ce qui dénote que l’enjeu est important car ils savent que leur voix compte». Le mérite revient à une Troïka qui a bien géré la transition et réussi à maintenir le pays sur les rails de la démocratie, malgré les assassinats politiques et les attaques terroristes, sur fond de crise économique, qui ont émaillé le parcours.
Du coup, la comparaison avec l’expérience algérienne était inévitable. Les tunisiens ont sanctionné, à travers les urnes, les islamistes d’Ennahda après trois années de pouvoir contrarié et sans basculer dans la violence. Ce scénario aurait pu être celui de l’Algérie, il y a 24 ans, quand les islamistes de l’ex-FIS avaient remporté les législatives de 91. S’il n’y avait pas eu interruption brutale du processus démocratique.
L’attitude d’Alger surprend
Autour de la table du CPP, le soutien de l’Algérie à la transition démocratique en Tunisie a surpris plus d’un. Et là encore, les avis divergent sur les raisons d’une posture surprenante pour un régime fermé et allergique à toute forme de changement. Pour Abed Charef, la victoire de Nidae Tounes de Beji Caid Essebsi a une dimension stratégique pour le clan présidentiel: « Avec un Caid Essebsi président à 88 ans, le 4e mandat de Bouteflika paraitrait aux yeux de l’opinion moins incongru ! ».
Mais y aura-t-il contagion de l’expérience démocratique tunisienne en Algérie ? Pour Tarek Drareni, ce qui se passe en Tunisie « est une très mauvaise nouvelle pour le régime algérien ». Lors de la présidentielle algérienne, le clan Bouteflika avait agité les menaces d’instabilité en Tunisie, en Libye et en Syrie à cause du « Printemps arabe ». « Mais là, les tunisiens ont prouvé que la stabilité est possible même avec le changement. »
Extraits vidéo : http://bit.ly/1tHHPPj
Pour écouter l’intégralité du talk-show, cliquez sur la play-list suivante :