Les réserves algériennes d’hydrocarbures publiées par ALNAFT qualifiées d’ « insignifiantes » - Maghreb Emergent

Les réserves algériennes d’hydrocarbures publiées par ALNAFT qualifiées d’ « insignifiantes »

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Les dernières statistiques publiées par l’agence de régulation des hydrocarbures ALNAFT sur les volumes de pétrole et de gaz découverts en 2013 inquiètent les experts par leur « insignifiance » par rapport aux besoins domestiques en matière de consommation énergétiques et ceux extérieurs, pour les revenus en devises.

Les volumes d’hydrocarbures découverts en 2013 en Algérie ont atteint 629 millions de tonnes équivalent pétrole (Tep), dont 153 millions de Tep ont été extraits, selon des chiffres de l’Agence nationale pour la valorisation des ressources en hydrocarbures (Alnaft). L’agence attribue cette performance à l’intensification de l’effort d’exploration en 2012 et en 2013 en termes de forage d’exploration et d’acquisition sismique, qui a permis la mise en évidence de nouvelles ressources d’hydrocarbures en 2013.
Pour le pétrole brut, l’agence précise que l’augmentation des réserves de 81 millions de Tonnes (636 millions de barils), associée au soutirage net de 50 millions de Tonnes durant l’année 2013, s’est traduit par un niveau de ressources mis en évidence de 130 millions de Tonnes (1.022 millions de barils). Les réserves de gaz naturel ont augmenté de 321 milliards de m3 en 2013, alors que les volumes extraits ont atteint 86,17 milliards de m3 en 2013. Le niveau de ressources en gaz mis en évidence durant l’année dernière s’est élevé à 407 milliards de m3, selon les mêmes chiffres.
Lecture mitigée des experts
Pour Abderahmane Mebtoul, expert en finance et en management, ces statistiques représentent « une très faible proportion par rapport aux réserves totales actuelles ». Car ramenées à la production actuelle (Sonatrach produit environ 200 millions de tep), « ces volumes représentent environ trois années de production sous réserve que leur totalité soit rentable économiquement », a-t-il expliqué dans une contribution à Maghreb Emergent.
Pour lui, le niveau des réserves « se calcule en référence au couple coût-vecteur/prix international : plus les coûts sont bas et le prix internationaux élevés, plus les réserves s’accroissent, permettant d’exploiter les gisements marginaux et vice versa ». Les découvertes de gisements d’hydrocarbures ne sont pas systématiquement suivies de leur développement, en particulier dans un contexte de crise économique mondiale qui bride la consommation, de la concurrence internationale et de la substitution d’énergies à d’autres. « La Sonatrach espère produire 225 millions de TEP en 2017 mais, en réalité, elle produirait beaucoup moins du fait que, selon les techniques actuelles, 30% au maximum des réserves sont récupérables et peuvent faire l’objet de commercialisation,» estime Abderahmane Mebtoul.
Selon la revue Africa Energy Intelligence, les gisements de Hassi R’mel et Hassi Messaoud, les plus grands pourvoyeurs d’hydrocarbures du pays, ont épuisé environ 45 à 50% des réserves qu’ils renferment. Le méga-champ gazier de Hassi R’mel connaît une baisse sensible de production, faute de travaux de développement et d’entretien. Les nouvelles découvertes annoncées par Alnaft ne suppléent que très partiellement à l’accroissement de la production actuelle (exportation et consommation intérieure).
La «menace» de la consommation domestique
Des experts et des think-tanks algériens ont, à plusieurs occasions, alerté les pouvoirs publics sur les risques induits par la hausse exponentielle de la consommation énergétique domestique, boostée en grande partie par des tarifs extrêmement bas qui génèrent à leur tour des comportements « gaspilleurs » d’énergie et une explosion de la contrebande aux frontières, financée par les fonds publics.
Selon des estimations indépendantes, la consommation algérienne de gaz naturel risque de dépasser largement en 2017, le niveau des exportations actuelles. Les capacités de production d’électricité devant doubler à cette échéance grâce aux nouvelles centrales à turbines de gaz, la consommation devrait atteindre plus de 70 milliards de m3 de gaz, au moment où les exportations peinent à atteindre 50/55 milliards de m3 (60 milliards m3 en 2007, 52 milliards en 2011, 55 milliards en 2012 et des données contradictoires pour 2013 : entre 47 et 50 milliards et seulement 45 milliards de m3 selon Nordine Aït Laoussine, ancien ministre de l’Energie).
Transition énergétique reportée
Abderahmane Mebtoul estime qu’à l’horizon 2040, la consommation de gaz naturel atteindrait les 100 milliards de m3 pour une production escomptée au double, ce qui, compte-tenu des volumes indispensables au maintien de la pression dans les gisements (88 milliards de m3 réinjectés en 2011). « Cela ne laisserait qu’une dizaine de milliards de m3 disponibles à l’exportation, soit 1,5 fois moins qu’en 2011, » précise l’expert. Pour sa part, la consommation électrique prévisionnelle (200 milliards de kwh en 2040 pour une population de 60 millions d’habitants) exigerait de brûler au moins 50 à 60 milliards de m3 de gaz.
Pour des considérations politiques et d’échéances électorales, la question de la transition énergétique a été à maintes reprises reportée par les pouvoirs publics. Mais un large débat sur la transition énergétique et les subventions devrait impérativement être ouvert, «car le pays ne peut plus poursuivre cette politique de subventions sans ciblage,» estime Abderahmane Mebtoul. « Tout cela renvoie à l’urgence d’un nouveau modèle de consommation énergétique, lui-même lié à un nouveau mode de gouvernance, pour réaliser la transition d’une économie de rente à une économie hors hydrocarbures,» conclut l’expert.

 

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