La « communauté des internautes » et des férus de l’informatique en Algérie manque d’espaces formels. C’est l’organisation d’évènements qui leur permet de se rencontrer pour parler du présent des TIC et de leur avenir. Dans cet entretien, Majda Nafissa Rahal, une des représentantes de Mozilla en Algérie, dresse un état des lieux.
Ces dernières semaines plusieurs événements TIC d’envergure ont eu lieu, à l’image de TEDxCasbah et Fikra. Est-ce un signe que le web algérien bouge ?
Ce sont les événements qui permettent à la communauté d’internautes de se rencontrer, de se connaître et de se constituer en réseau. Cela a commencé avec le tout premier TEDx au niveau de l’Ecole supérieur d’informatique (ESI), en 2011 à Alger, puis il y a eu les DZ Web Days, la semaine du web, Algeria 2.0, etc., et maintenant les événements poussent comme des champignons. Si les internautes étaient auparavant isolés, ils sont maintenant réunis. Ça ne peut être que positif. D’autant que ces rendez-vous véhiculent souvent un message d’optimisme en mettant en avant des « success story » et deviennent ainsi sources d’inspiration pour de futurs projets autour des TIC et de l’entrepreneuriat. Grâce à ces rassemblements, la toile algérienne gagne en visibilité au niveau mondial car on encourage les gens à tweeter, on surveille les hashtag … dépassant ainsi les frontières de l’emplacement de l’événement. Cependant ce phénomène reste circonscrit aux grandes villes, à Tlemcen, Annaba, Alger, Oran, etc. Certaines initiatives se délocalisent comme le TED camp qui est allé à Ouargla. Des DZ Web Days se démocratisent maintenant et ont lieu dans de plus en plus de wilayas en Algérie. J’espère que dans les deux, trois prochaines années, on verra ces événements se développer un peu partout.
Où en est l’open data en Algérie ?
Parler d’open data en Algérie est pour l’instant prématuré. Le projet de plateforme opendata.dz est en stand-by. Je pense, personnellement, que les initiatives d’open data doivent absolument se faire en collaboration avec les autorités car libérer des données, c’est bien, mais quelles données ? Les plus nombreuses et utiles sont détenues par les institutions publiques. Si la ville n’est pas prête à collaborer avec nous, il sera difficile de sortir du cadre de la simple promotion de l’open data pour aller vers des données ouvertes véritablement disponibles qui permettront de voir émerger toutes ces applications. Par exemple, si on souhaite créer une application sur les moyens de transport et que l’on n’a pas de données sur la localisation des arrêts de bus, on est bloqué. Or ces données se trouvent à l’ETUSA, ou dans des institutions publiques. Donc s’il n’y a pas ce travail en commun entre les autorités et les gens enthousiastes qui veulent utiliser les données disponibles, l’open data restera à l’état embryonnaire. A l’inverse, si les institutions se mettent à numériser leurs données et à les rendre disponibles, le champ des possibilités sera énorme, car les applications de l’open data sont multiples et diverses. Toutes les villes qui ont ainsi mis à la disposition du public leurs données ont réalisé des choses extraordinaires. Pourquoi l’Algérie n’en profiterait pas ?
L’utilisation du numérique par les institutions publiques s’est-elle justement améliorée ?
Pour ce qui est de l’open data à proprement parler pas vraiment ! Mais pour tout ce qui concerne l’orientation des ministères vers le digital, c’est en train de prendre forme. Le site internet du Ministère de la Justice offre ainsi désormais la possibilité de demander son extrait de casier judiciaire en ligne et d’aller le chercher sur place en 5 minutes. J’ai essayé, ça fonctionne bien, et ça évite pas mal de cassement de tête. Par ailleurs, de nouvelles institutions, comme l’ONDA, par exemple, se dotent d’un site internet et essayent de le rendre attractif et de plus en plus utiles surtout car avoir des vitrines qui ne servent à rien, ce n’est pas ce que les citoyens recherchent. Le Ministère de l’Education a enfin son site internet, il était temps ! Et les musées, comme le MaMa, se mettent sur le web et permettent certains services. On constate donc une volonté d’aller vers le digital mais pas encore vers l’open data.
Qu’est-ce qu’a changé l’arrivée de la 3G et quels sont les défis technologiques à relever ?
La 3G est une opportunité incroyable et plein de gens sont en train de capitaliser là-dessus. Pour l’instant, ça reste encore timide, il y a peu d’applications algériennes sur les « store mobiles » mais ça ne devrait pas tarder. Je pense que bientôt on verra un tas de développeurs proposer des applications locales centrées sur l’Algérie. Un point très important est que la 3G va permettre à des projets de sortir du cadre des startup week-end ou d’une petite compétition et de mourir. Jusque là, on avait souvent un bouillonnement d’idées innovantes mais, en l’absence de 3G et de possibilité de proposer son application sur un store, ces projets finissaient par être abandonnés. A présent, plus de projets de passer vont pouvoir passer le cap des compétitions pour devenir des projets réels.
En parallèle à la 3G, on demandait le paiement en ligne (epayment). En l’attendant, on tente de contourner cet obstacle. Les opérateurs téléphoniques proposent, par exemple, de payer avec du crédit sur leur store, ça s’appelle du mpayment. Certes, sa mise en place implique beaucoup de parties, banques, gouvernement, développeurs, etc., mais c’est une nécessité qui devrait accompagner la 3G et faciliterait beaucoup de choses. Ce qui manque aussi en Algérie, ce sont les espaces de coworking. Le seul que l’on a est le cyberparc de Sidi Abdellah mais il est beaucoup trop loin. Récemment, le premier espace de coworking a ouvert à Tipasa, il s’appelle La Garderie. Or ces espaces sont essentiels pour le développement d’une culture start-up, une culture entrepreneuriale, une culture d’innovations et d’idées. Les gens doivent se rencontrer, pouvoir échanger dans des lieux autres que des cafés inadaptés pour travailler sur leur projet. Avoir des espaces de coworking est donc important et il faudrait y accorder plus d’importance que ce l’on fait en ce moment.