Le gouvernement de Abdelilah Benkirane n’a pas peur du coût social de prochaines réformes économiques notamment la fin de la subvention de certains produits de consommation et services, comme les transports. « Si on pense aux conséquences, on ne réformera jamais » a déclaré un responsable marocain.
Pour Mohamed El Ouafa,délégué auprès du chef du gouvernement chargé des Affaires générales et de la gouvernance,les réformes économiques sont devenues une nécessité avec la détérioration actuelle des principaux agrégats financiers du pays, dont une prévision de croissance de moins de 4%, un déficit public de plus de 5%, un taux de chômage, même bon sur le plan régional, de 9% pour 2014. Ce qui complique la situation est une ardoise de plus de 50 milliards de dirhams à consacrer à la Caisse de compensation pour la subvention des produits de large consommation. Rien que pour la facture des carburants, l’état marocain consacre plus de 30 milliards de dirhams par an depuis 2010. “Si l’Etat réfléchit uniquement par les conséquences qui peuvent en découler, il ne pourrait jamais réformer”, a estimé M. El Ouafa qui intervenait lors d’une rencontre organisée par la Fondation diplomatique sur “L’impact des décisions du gouvernement sur la situation économique : quels mécanismes pour favoriser la justice sociale et préserver le pouvoir d’achat ?”
Un dossier épineux
Le message du gouvernement d’Abdelilah Benkirane est clair : il y aura des réformes dans certains secteurs économiques, en dépit de leur coût social. Premier chantier de ces réformes, la caisse de compensation, selon El Ouafa. »C’est un dossier épineux », a-t-il dit. La Caisse de compensation a coûté aux finances publiques près de 54 milliards de dirhams (environ 5,4 milliards d’euros) en 2012, et autant en 2013, dont le tiers a été absorbé par les produits pétroliers. L’Etat marocain ne compte cependant pas toucher à certains produits sensibles, comme la farine, l’huile, le sucre. »Le gouvernement ne touchera pas au prix du pain et du sucre”, a-t-il dit, précisant que “ces deux produits ne coûtent pas beaucoup au niveau des dépenses de la compensation”, soit entre 4 et 5 milliards de dirhams pour la farine subventionnée et 3 milliards de DH pour le sucre. L’huile serait en ballotage, tandis que pour les produits pétroliers, le système d’indexation des prix sur le marché international serait définitivement adopté, après la dernière hausse des prix à la pompe. “Le gouvernement a fait le choix d’introduire de petites approches sans s’embarquer dans un grand discours de compensation”, explique M. El Ouafa, qui a affirmé que »nous allons essayer de gérer le pays avec les moyens que nous avons mais dans le bon sens”.
Un bras de fer en perspective
Le système de compensation des prix au Maroc concerne autant la subvention des prix des produits pétroliers que ceux de première nécessité, comme la semoule, le sucre ou l’huile, ainsi que les transports publics. Dans la Loi de Finances 2014, le gouvernement Benkirane a prévu un budget pour la caisse de compensation de 41,65 milliards de dirhams, sur la base d’un cours du pétrole brut respectivement à 110 et 120 dollars le baril. Quant au soutien direct des prix à la consommation, un budget de 33 milliards de Dh a été dégagé par le gouvernement. La réforme de la caisse de compensation pourrait donner lieu à un bras de fer avec les centrales syndicales, qui attendent depuis avril 2013 la tenue d’un dialogue social avec le gouvernement sur le coût social des réformes.