Pour les acteurs énergétiques euro-méditerranéens, Desertec, c’est fini ! - Maghreb Emergent

Pour les acteurs énergétiques euro-méditerranéens, Desertec, c’est fini !

Desertec
Facebook
Twitter

Desertec

Les principaux acteurs énergétiques de l’espace euro-méditerranéen affichent leur scepticisme quant à l’évolution de la coopération Nord-Sud dans secteur de l’énergie. Ici les constats partagés de ces entreprises et leurs attentes, recueillis par l’Institut de la prospective économique du monde méditerranéen (IPEMED).

Les initiatives menées en matière de coopération énergétique euro-méditerranéenne n’ont pas généré de résultats significatifs. C’est le constat partagé par les grandes entreprises du secteur de l’énergie des deux rives de la Méditerranée. Une synthèse des points de vue partagés par les industriels du Nord et du Sud de la Méditerranée réalisée par l’IPEMED le confirme. L’institut a mené des entretiens avec dix entreprises de la région euro-méditerranéenne entre juin et octobre 2013. Il s’agit de Abengoa (Espagne), Areva (France),  Gas Natural (Espagne),  GDF Suez (France),  Medgrid (France), Onee (Office national de l’électricité et de l’eau potable, Maroc),  Repsol (Espagne), Siemens (Allemagne),  Sonelgaz (Algérie) et Teias (Turquie). Tous ces intervenants, « notamment ceux du Sud, déplorent que les initiatives menées jusqu’à présent sur le plan institutionnel n’aient pas été à la hauteur des enjeux », constatent les rédacteurs du rapport synthétisé. Pour l’Onee (Maroc) « les institutions manquent de réactivité et sont souvent à la traîne par rapport aux besoins croissants en matière d’énergie… ». Sonelgaz (Algérie) estime que les résultats « sont en deçà des attentes en absence d’initiative de développement des infrastructures énergétiques pour véhiculer ces échanges et surtout de cadre transparent pour l’ouverture du marché européen aux pays du Sud, sans restriction ».  Concernant le projet industriel Desertec, « la majorité des intervenants restent sceptiques sur l’initiative, que d’aucuns croient déjà enterrée », tandis que « l’Union pour la Méditerranée (UPM) est régulièrement citée comme l’instance la plus à même d’abriter une communauté méditerranéenne de l’énergie », affirment les rédacteurs de l’étude. Ceci, même si elle est souvent critiquée pour sa difficulté à fédérer autant d’États et pour la lourdeur administrative que sa constitution engendre.

Absence d’une stratégie commune à long terme

Le manque de portée des initiatives menées à ce jour est à imputer, selon les intervenants, à deux causes. Une cause structurelle : l’absence de cohésion et de vision partagée entre les pays européens et aussi méditerranéens. Une cause plus conjoncturelle : l’instabilité issue des révolutions arabes et la crispation engendrée par la crise économique au Nord. Les acteurs énergétiques des deux rives de la méditerranée pensent par ailleurs qu’il est nécessaire de mettre en place une stratégie commune à long terme en matière énergétique. “Une visibilité à long terme et une vision commune sont indispensables pour mobiliser les moyens nécessaires au développement d’une coopération énergétique des deux côtés de la Méditerranée”, soutiennent les responsables du groupe Areva (France) alors que ceux de l’Onee pensent qu’il faudrait ” bâtir un marché de l’électricité et du gaz naturel dans la région”. Les rédacteurs du rapport rappellent qu’entre les pays des groupes régionaux qui forment l’espace euro-méditerranéen il n’y a aucune vision commune pour le développement d’une coopération énergétique des deux côtés de la Méditerranée.

Instabilité du cadre réglementaire

 A cette absence de vision commune vient toutefois se greffer l’instabilité politique et institutionnelle au Sud et une crise économique au Nord. Le rapport note que la situation politique et sécuritaire au Sud de la méditerranée ” rend les entreprises européennes réticentes à investir massivement dans ces pays et en Méditerranée plus généralement”. La question de la sécurisation des investissements par un cadre réglementaire stable et la sécurité des infrastructures et du personnel peut être perçue “comme un frein important au développement des investissements du secteur privé dans les Pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée (Psem). La majorité des intervenants partagent cette préoccupation y compris des entreprises du Sud. Sonelgaz juge que “la question des infrastructures et de la sécurisation des investissements reste déterminante. “Sans garantie et sans un cadre réglementaire solide, les entrepreneurs ne peuvent être incités à investir. Il faut des signaux rassurants de part et d’autre des deux rives. […] Par ailleurs, il est frappant de constater le changement fréquent des personnes à la tête des entreprises, notamment en Tunisie et en Libye. Cette instabilité ralentit la prise de décision”, estime pour sa part l’Onee. Ces acteurs énergétiques semblent toutefois conscient de la “la dépendance mutuelle” en matière énergétique, c’est pourquoi ils soulignent tous “les bienfaits qu’apporterait un partenariat plus approfondi entre les pays des deux rives, à tous les niveaux, tant politique qu’entrepreneurial mais insistent sur la nécessité de penser celui-ci dans une optique de long terme”. Ils soutiennent tous une intégration régionale basée sur le partage des compétences et des savoir-faire pour aboutir à la création d’une communauté euro-méditerranéenne de l’énergie, dans laquelle les entreprises seront “les acteurs centraux”, “car elles recèlent une profonde connaissance du terrain, en complément de la vision politique de ce secteur”.

Facebook
Twitter