Pourquoi Abdelkader Messahel a éructé le dépit terminal de l’économie 1.0 - Maghreb Emergent

Pourquoi Abdelkader Messahel a éructé le dépit terminal de l’économie 1.0

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La chronique hebdomadaire de El Kadi Ihsane sur El Watan, essaye de décrypter le sens de la diatribe du ministre des affaires étrangères qui autocélèbre l’Algérie terre du business et désigne les autres, mendiants et délinquants.

 

 

 

Il existait peut être encore un doute sur l’incapacité algérienne actuelle à conduire une modernisation économique pour sortir de la mono-exportation. Il s’est définitivement dissipé ce week-end lors de l’université du FCE. Pourquoi ? Parce que le cœur du logiciel du pouvoir a été exprimé, en ce lieu, non pas par le premier ministre Ahmed Ouyahia, soucieux de faire entendre sa petite musique virtuellement pro-business, mais par Abdelkader Messahel, le chef de la diplomatie algérienne, intime du premier cercle présidentiel et foncièrement satisfait du statu quo. Deux éructations qui ont tonné sur les réseaux sociaux. Elles disent exactement ce que pensent le régime de lui même. Qu’il est le meilleur en tout. Et en échantillon, le meilleur pour attirer les investisseurs et le meilleur pour être accueilli en Afrique. Ces deux détonations, qui coutent aujourd’hui à l’Algérie une inutile sur-crise diplomatique avec le Maroc, sont infiniment plus graves dans leurs incidences internes. Il y’a d’abord la forme. Abdelkader Messahel a défendu l’Algérie en insultant les autres. Dans un style décousu, une morgue étouffante, et une suffisance imbécile. Pour la première fois, le ministre des affaires étrangères se devait de sortir du glossaire de 400 mots de son discours scellé  depuis dix ans sur l’action diplomatique algérienne. Il devait s’adapter à une requête précise et nouvelle. Comment devenir un dragon en Afrique lorsqu’on détient son 3e PIB ?  Et là il a renvoyé le pays face à sa réalité. L’incompétence d’une grande partie de ses élites. Car Abdelkader Messahel ne comprend pas ce que veut dire dans les codes mondiaux d’aujourd’hui «Doing Business ». Sinon il n’aurait pas affirmé que l’Algérieest le seul pays pour faire du business en Afrique du Nord. Il a confondu« plus grandes commandes publiques » et « meilleur climat des affaires ». Le Doing Business relate le second pas les premières. C’est pour cela que l’Egypte – que le diplomate a égratigné au passage – attire trois fois plus d’investissements étrangers que l’Algérie et le Maroc deux fois plus. L’Algérie est le pire pays d’Afrique du Nord pour le Doing Business. Si on exclut la Libye. Il y’a bien sur l’hypothèse de la mythomanie compulsive qui peut atténuer celle de l’incompétence. C’est presque moins grave. Le résultat étant le même. Le refus d’admettre que le chemin du salut passe par l’acceptation de ses tares. Pays bloqué sur un modèle ancien ou l’action du bas vers le haut, de l’initiative des acteurs vers la cristallisation des institutions (Taieb Hafsi) est gênée. Souvent combattue. Cette chronique ne va, par décence, pas étaler tous les classements liés au climat des affaires ou l’Algérie ferme la marche dans le groupe des pays qui horripilent son ministre des affaires étrangères. Elle décrète juste de manière solennelle et définitive l’impossibilité pour ce leadership politique de changer de modèle de croissance. Il est déjà le meilleur.

 

Le dépit de l’inaction

 

Il y a toutefois, à bien y regarder, autre chose que de la morgue et de l’autosuffisance dans la détonation de Abdelkader Messahel. Il y’a le dépit de l’inaction. Il est incarné par son dérapage intégral sur le Maroc. La même décence impose de survoler le cloaque du propos. Et d’aller au fond de l’affaire. L’Algérie est battue en Afrique par une économie du cannabis. Si les banques marocaines sont plus dynamiques à l’international que les banques algériennes, c’est grâce au blanchiment de l’argent du haschich. Et si la RAM taille des croupières à Air Algérie sur les slot de l’Afrique c’est parce qu’elle transporte autre chose que des passagers. L’économie du cannabis mondialise et modernise plus vite et mieux qu’une économie du gaz et du pétrole. Même dilemme que celui entre l’incompétence et la mythomanie. Il ne faut pas choisir. Juste épiloguer. Le cœur du logiciel des années Bouteflika avoue qu’il ne sait pas. L’attractivité du Maroc  pour les investisseurs étrangers « c’est une zone de libre échange ou les bénéfices repartent à l’étranger et qui fait travailler quelques marocains ». L’exercice ressemble à un suicide rituel en assemblée publique. Les chefs d’entreprises du FCE attendaient, pour une grande partie, un appui « souverain » pour  faire autrement. Et cet autrement est présentée comme une machination. Il s’agit rien d’autre pour l’Algérie dans l’avenir que de trouver son chemin – adapté à son histoire social et à son plus grand potentiel de marché  – vers ce que Messahel a décrié dans le pire style imaginable pour un chef de la diplomatie : conquête de marchés extérieurs, implantation sur le marché africain, grande attractivité du capital étranger, tourisme de masse, hub logistique et de transports de passagers (ports et Air Algérie), économie de services notamment digitaux, mouvement de capitaux en soutien aux entreprises à l’export (les banques). Le ministre des affaires étrangères algérien ne sait, en toute bonne foi, pas que la trajectoire anti-crise qui se dessine pour son pays rapprochera l’Algérie du Maroc. C’est pourtant écrit dans le document de la task-force sur le nouveau modèle de croissance.  Commandé par le gouvernement Sellal auquel appartenait aussi cet apôtre de la béatitude en costume cravate. Le cœur du pouvoir politique algérien a dit aux chefs d’entreprises qu’il ne fallait pas compter sur lui pour inventer un autre avenir. Il a ébouillanté la tentation  algérienne contrainte d’entrer d’une autre manière dans le monde que par sa matière première et ses importations. Il a dit aussi qu’il était incapable de se projeter dans un grand dessein de conquête. L’université du FCE a recueilli le souffle terminal d’une administration de l’économie cliniquement morte.

 

L’impôt sur la fortune est vieux

 

L’impôt sur la fortune est une nouvelle appellation d’un impôt sur le patrimoine qui existait depuis le gouvernement de Belaid Abdeslam de 1992-1993. Le projet de loi de finance pour 2018 a sorti les Algériens d’une dangereuse amnésie. La tentative en cours n’est pas la première de taxer les signes extérieurs de richesse. Belaid Abdeslam a introduit dans la loi de finance pour 1993 une réforme par laquelle le patrimoine, notamment foncier, était taxé. Mesure en soutien à l’austérité importante qui frappait les algériens et le trésor public en voie de cessation de paiement. L’exposé des motifs du présent projet de LF 2018 reconnaît que les contribuables n’ont pas joué le jeu, en rechignant à  déclarer les biens qui tombaient dans l’assiette de ce nouvel impôt. Conséquence, il n’existe aucun chiffre sur son rendement. Le nouvel impôt rebaptisé « sur la fortune », descend le seuil d’imposition à 50 milliards de centimes, exclu les résidences primaires (habitation) et double son barème d’imposition. Cela pourra faire gagner jusqu’à 260% de revenus supplémentaires au trésor sur certains cas explique le projet de loi de finance.  Il faut donc se résoudre à comprendre que l’administration fiscale a échoué pendant 24 ans à recouvrer l’impôt sur le patrimoine. Pourquoi va t’elle mieux réussir aujourd’hui avec l’impôt sur la fortune ? Parce que la volonté politique est plus forte. Fake ? Impératif de finir sur un sourire, une chronique aussi dramatique.

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