En « démocratisant » le grade de général au sein du Département du renseignement et de la sécurité (DRS), le président Bouteflika entendait affaiblir le chef des services secrets militaires, le général de corps d’armée Mohamed Mediene. Même réduit au rang de « chargés de missions », les nouveaux promus ont un vrai pouvoir, l’action clandestine exigeant une grande autonomie de décision.
Les changements intervenus ces dernières années au sein du Département du renseignement et de la sécurité (DRS), colonne vertébral du régime, et au sein du commandement militaire en général, seraient-ils en train de bouleverser l’équilibre du pouvoir au sein de l’armée ? Il y a quelques années, les grades de généraux (général, généra-major, général de corps d’armée) étaient réservés à un nombre réduit d’officiers supérieurs et à très peu d’officiers supérieurs du DRS : le chef de ce département, Mohamed Mediene, dit « Toufik », et les chefs de ses différents démembrements, comme la Direction du contre-espionnage (DCE), la Direction de la documentation et de la sécurité extérieure (DDSE) et la Direction centrale de la sécurité de l’armée (DCSA). Ils sont « distribués » aujourd’hui plutôt à grande échelle. En juillet 2013 ont été promus généraux 51 colonels de différentes armes, dont 6 du seul DRS (Abdelkrim Bensaf, Bouteraa Blidi, Djamel Eddine Bouzghaia, Kaddour Lakehal, Nouiouat Chouiter et Rabah Hamidi) ; de même, 12 généraux, dont 4 du DRS (Abdelkader Khamane, El Mansour Benamara, Hocine Aggoune et Mohamed Ambar) ont été promus généraux-majors sans pour autant que soient opérées des mises à la retraite de nombre de leurs aînés.
Au DRS, les promus aux grades de généraux sont venus grossir les rangs d’un club qui compte déjà près d’une vingtaine d’officiers supérieurs n’ayant, pour la plupart, accédé à ce rang que ces dernières années. La promotion au sommet de la hiérarchie obéit à des considérations plus politiques que techniques. La série de promotions décidées par le chef de l’Etat ces dernières années n’est pas pour faciliter la tâche des « chefs », lesquels se trouvent assiégés par de jeunes ambitieux en mesure de contester et leur autorité et leur action.
La « mission« prime le grade, surtout lorsqu’elle est clandestine
Les jeunes généraux du DRS, même sans poste précis ou réduits à de simples « chargés de missions », n’en demeurent pas moins au cœur d’un service dont l’action est clandestine par définition et les missions exigent souvent une autonomie de décision. Les interventions du DRS, à travers la DCE, dans la vie politique du pays par le noyautage des organisations de la société civile (partis, associations, syndicats..), des institutions de l’Etat, des entreprises publiques et privées, ainsi que de la presse, renforcent l’influence de ces « chargés de missions », qui peuvent se prévaloir de réseaux aux ramifications tentaculaires, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays.
En fin manœuvrier, le président Bouteflika a trouvé par ces promotions le moyen d’affaiblir le général de corps d’armée Mohamed Mediene, dont l’influence, acquise au fil des années, l’a hissé au rang de mythe dans l’imaginaire des Algériens. La « réorganisation » qu’il a opérée à la fin de l’été dernier a vu trois structures du DRS passer sous la direction directe de l’état-major de l’armée et deux jeunes généraux, jusque-là inconnus, ont été propulsés, à la surprise générale, au sommet de deux autres structures : Mohamed Bouzit dit Yacef à la tête de la DDSE et Abdelhamid Bendaoud dit Ali à la tête de la DCE. Les missions que ces deux généraux accomplissent, respectivement dans les services d’espionnage et de contre-espionnage, priment en tout cas le grade des nouveaux promus au rang de général-major.