2014 est à quelques dixièmes de degré d’être l’année la plus chaude depuis que la Terre sait prendre son thermomètre : L’Europe a réagi spectaculairement cette semaine à la menace chaotique du réchauffement climatique. Le sommet de Bruxelles a augmenté la contrainte sur les Etats membres de l’Union européenne sur leurs émissions des gaz à effet de serre. L’objectif de leur réduction était de 20% à 2030 par rapport au niveau de 1990. Il est passé à 40%. Un véritable choc anti-carbone.
Accompagné de deux autres grosses mesures de réduction de la dépendance aux énergies carbonées et donc aux importations : le recours au renouvelable passe de 20% du mix énergétique à 27% en 2030, et celui aux économies d’énergie passe également de 20 à 27%. Certes, de ce train de mesures, seule la première est formellement contraignante pour les Etats membres. Réduire les émissions de 40%. Mais le nouveau tournant stratégique est bien là. L’attaque du 11 septembre 2001 a provoqué un virage américain vers l’autosuffisance en pétrole et en gaz.
La guerre d’Ukraine de cet été a relancé l’autonomie européenne vis-à-vis de ces mêmes sources énergétiques. Si l’Amérique a cherché sa réponse d’abord dans les hydrocarbures non conventionnels, l’Europe va la chercher dans les économies d’énergie et surtout dans les énergies propres. Officiellement, l’Europe a fait un forcing pour infléchir le sort de la conférence mondiale sur le climat qui se tient à Paris en 2015. En arrière- plan, elle fait coup double. Elle force ses partenaires à accélérer la sortie du carbone. Elle prépare une réduction décisive de sa dépendance vis-à-vis d’un fournisseur énergétique problématique, la Russie.
-La semaine a connu un événement symbolique troublant. La production de pétrole des Etats-Unis d’Amérique a dépassé celle de la Russie : Renversant. Il ne faut pas chercher plus loin la tendance à moyen terme des cours pétroliers. Ils resteront orientés vers la baisse pendant tout le temps où la demande mondiale ne repartira pas. Et lorsqu’elle repartira, le sommet mondial du climat sera passé par là pour la brider par l’obligation de réduire les émissions carbone. Ce que le ministère algérien de l’Energie a observé dans l’évolution stratégique de ces dernières années, c’est que d’anciennes puissances pétrolières comme les Etats-Unis peuvent le redevenir. Ce n’est pourtant pas l’essentiel.
Car aucun analyste américain ne prétend que la production américaine va se maintenir au-dessus des 8 millions de barils/jour les 5 prochaines années. Les forages horizontaux déclinent dès la première année. Par contre, le coût de l’énergie polluante, lui, va exploser sous la nuisance du réchauffement. Pour réduire de 40% ses émissions de gaz à effet de serre et pour consommer jusqu’à 27% d’énergies renouvelables, l’Europe peut-elle sérieusement se passer de l’électricité solaire de la rive sud de la Méditerranée ? Stratégiquement, c’est la question clé pour l’Algérie.
-La bataille symboliquement la plus significative du début du «4e mandat» a eu lieu cette semaine. A huis clos : Elle concerne la présidence du Forum des chefs d’entreprises (FCE). Depuis le 8 octobre dernier, date de sa déclaration de candidature, tout le monde est d’accord. La fonction est promise à Ali Haddad, le patron du groupe ETRHB. Trajectoire naturelle. Il est financièrement très puissant, il a, avec ses amis, milité pour le «4e mandat» et il a poussé Réda Hamiani à partir avant même l’assemblée élective de fin novembre prochain. Mais voilà qu’un autre réseau d’influence, peu heureux de voir le clan Haddad prendre autant de pouvoirs, s’est réveillé ces derniers jours. Il a fait de Issad Rebrab, le PDG de Cevital, son champion de fait, pour faire dérailler le projet Ali Haddad.
Deux branches nuancées du capitalisme algérien. La première, celle de Ali Haddad étant plus fortement liée aux commandes publiques que la seconde, celle de Issad Rebrab. Avec quelques entorses à cette critériologie. Le business de Laïd Benamor, par exemple, le situe plus près de Cevital que de ETRHB et de Haddad dont il est pourtant proche. Le duel électoral n’aura finalement pas lieu. Il a été avorté dans les coulisses de la villa de Diar Eddiaf, siège du FCE. Ahmed Tibaoui, président par intérim du FCE, a expliqué poliment à Issad Rebrab que son projet – en gestation – de candidature faisait problème sur le plan réglementaire.
Le patron de Cevital ayant adressé l’été dernier une lettre de démission à Réda Hamiani. Lettre que les amis de Rebrab considèrent comme informelle. Il suffisait donc au potentiel challenger de Ali Haddad de payer sa cotisation de 2014 pour espérer satisfaire aux conditions réglementaires qui ouvrent droit à une candidature à la présidence, sous conditions de réunir les 79 parrainages nécessaires pour cela. Les amis de Haddad qui contrôlent déjà le conseil exécutif du FCE ont agi pour que le chèque 2014 de Rebrab reste dans sa poche. Pas de mise à jour de l’adhésion et pas de candidature.
Faute de nouvelles candidatures face à Ali Haddad, l’assemblée générale élective du 27 novembre prochain s’apprête donc à entériner une intronisation par acclamation. Après les duels de programmes de mai 2009 entre Réda Hamiani et Slim Othmani, puis celui, tout aussi clivant, entre Réda Hamiani et Hassan Khelifati – arbitré par Mohamed Baïri – en novembre 2011, «l’expression démocratique» de la bourgeoisie institutionnelle se fige. Le procédé du plébiscite – utilisé en 2013 pour un troisième mandat de Réda Hamiani – caricature la situation politique en Algérie. Correctif. La bataille symboliquement la plus significative de ce début de «4e mandat» n’a donc pas eu lieu cette semaine. Comme la bataille politique de l’après-Bouteflika, elle ne se déroulera pas sur le terrain électoral. Mais ailleurs.
Article initialement publié dans El Watan