L’actualité de la semaine a été dominée par la conférence sur le développement économique et sociale organisée par le ministère de l’industrie : Un malin hasard a donné des accents aigus à cet exercice en laissant, le jour-même de l’ouverture des travaux, frôler les cours du brut le plancher des 80 dollars. Pour diversifier, il faut être pragmatique. «Pragmatique», a été le mot favori dans la bouche de Abdelmalek Sellal, le jour de l’ouverture des travaux. Alexandre Kateb, l’un des experts invités, a pointé la faiblesse d’une démarche qui manque de vision et d’objectifs stratégiques pour se réfugier dans le pragmatisme. Sur Radio M, il a déclaré «être pragmatique est utile lorsqu’on a un cap stratégique». Mais pas si on ne sait pas où l’on va. L’Etat répugne à évoquer le long terme. Sans doute une offense pour un régime qui ne peut pas se projeter au-delà des enveloppes budgétaires d’un quinquennat.
Preuve de la désorientation ambiante, aucune évaluation de la feuille de route industrielle de 2008. Abdelhamid Temmar avait réuni les mêmes acteurs pour décider d’une politique industrielle autour de champions publics diffusant du dynamisme dans un tissu environnant privé. Un partage des rôles qui avait été vertement critiqué par le FCE, selon lequel les entreprises privées étaient plus indiquées pour jouer le rôle du champion qui entraîne vers le haut son écosystème. Rien donc sur l’échec de 2008 et son dégât collatéral : aucune des filières désignées comme prioritaires n’a bénéficié d’incitations pour son émergence. Autre critique faite à la conférence, son européocentrisme. L’Algérie fait face à un défi d’industrialisation semblable à celui qu’ont connu les émergents il y a vingt ans. Ou mieux encore, identiques à celui des anciennes puissances pétrolières comme l’Indonésie.
Une explication d’un expert iranien sur la politique de diversification engagée par son gouvernement sous la contrainte de l’embargo économique aurait été infiniment plus utile qu’une énième intervention européenne sur la nécessité de développer un espace de co-prospérité dans l’espace Euromed. Que reste-t-il finalement ? Un long chapelet de vœux, comme celui de l’amélioration du climat des affaires qui fait fi de l’essentiel. Pour aller où ? Abdelmalek Sellal ne croit qu’au situationnisme, pas à la prospective. La politique industrielle ne regarde que vers le Nord, pas vers les BRICS. Et surtout le gouvernement veut toucher à tout, mais pas au système des prix.
La théorie économique au sujet du syndrome hollandais a déjà tout expliqué : Un niveau important de revenus d’exportations énergétiques provoque des biais en série. Sur la balance des paiements, sur le taux de change, sur le niveau général des prix. L’Algérie nage dans le syndrome hollandais depuis la remontée des cours en 2004-2005. L’incitation à produire algérien est barrée par la compétitivité des importations. Pour réindustrialiser l’Algérie, il faut commencer par rendre les importations plus chères, notamment celles des biens finis. Il faut ensuite, comme aime à le rappeler le professeur Abdellatif Benachenhou depuis deux ans, changer l’allocation des ressources budgétaires. Moins de subventions à la consommation.
Plus de soutien à l’investissement productif. Cela peut dans la durée prendre les allures d’un programme politique impopulaire : dévaluation du dinar et réduction des subventions. Personne sous Bouteflika ne le fera. C’est entendu. Pourtant, le virage vers la diversification de l’économie algérienne devient dans toutes les bouches une urgence. Après avoir été durant trois ou quatre ans le message anticipateur de think tank clairvoyant — parce que citoyen — comme le réseau Nabni. Le gouvernement veut donc inciter à produire en Algérie sans toucher au système actuel des prix du crédit, à celui du foncier en passant par les frais de transactions. Alors, peut-être en produisant un bond dans l’attractivité externe à défaut d’un ajustement soft interne ? Abdesselam Bouchouareb a fini d’illustrer l’inconsistance du procès lors de la conférence de presse de clôture. L’Algérie a besoin de plus d’investissements étrangers. Elle va renforcer le 51-49. Il ne figurera pas sur le prochain code des investissements. Il sera adapté au cas par cas. C’est la Banque d’Algérie qui le gérera. D’une clarté qui va faire chavirer le Doing Business.