Quelles leçons tirer après 47 ans de la nationalisation des hydrocarbures et quelle stratégie d’adaptation de la loi des hydrocarbures, face au nouveau pouvoir énergétique mondial qui a totalement changé depuis 1974?
La loi des hydrocarbures de février 2013 devrait subir un réaménagement. Entre 2000 et 2017 Sonatrach a pu engranger plus de 800 milliards de dollars selon les bilans officiels de Sonatrach, inclus les 97 milliards de dollars de réserves de change à fin 2017. Nous avons assisté grâce à cette ressource éphémère à d’importants investissements entre 1965/2017, dans ce secteur et dans d’autres qui font vivre aujourd’hui les Algériens. Mais il faut éviter toute autosatisfaction source de névrose collective car il existe une disproportion entre la dépense et les impacts. Quelles leçons tirer après 47 ans de la nationalisation des hydrocarbures et quelle stratégie d’adaptation de la loi des hydrocarbures, face au nouveau pouvoir énergétique mondial qui a totalement changé depuis 1974?
1.-La nationalisation des hydrocarbures a été décidée le 24 février 1971. Elle s’est traduite dans les faits par la signature d’une ordonnance, le 11 avril de la même année, promulguant la loi fondamentale sur les hydrocarbures, définissant le cadre dans lequel devrait s’exercer l’activité des sociétés étrangères en matière de recherche et d’exploration des hydrocarbures. Par la suite nous avons assisté à différentes lois notamment :
– la loi n° 86-14 du 19 août 1986, modifiée et complétée, relative aux activités de prospection, de recherche, d’exploitation et de transport par canalisation des hydrocarbures ;
– la loi no 91-21 du 4 décembre 1991 modifiant et complétant la loi no 86-14 du 19 août 1986 relative aux activités de prospection, de recherche, d’exploitation et de transport des hydrocarbures
– la loi n°05-07 du 28 avril 2005 relative aux hydrocarbures.
-l’ Ordonnance n° 06-10 du 29 juillet 2006 modifiant et complétant la loi n°05-07
-La loi n° 13-01 du 20 février 2013 modifiant et complétant la loi n° 05-07
2.-Depuis la loi de 1991 et la promulgation de celle de 2013, le monde a connu un profond bouleversement dans le domaine énergétique, une loi n’étant jamais figée devant l’adapter. L’OPEP ne représente pus que 33% de la production commercialisée mondiale, 67% se faisant hors OPEP et entre 2020/2030 le monde devrait connaitre encore de nouvelles mutations énergétiques, s’orientant vers un MIX énergétique .Dès lors, comment adapter la loi des hydrocarbures aux nouvelles mutations énergétiques mondiales Je recense cinq axes directeurs
Premièrement, il n’est pas question de privatiser Sonatrach qui reste la propriété de l’Etat à 100%
Deuxièmement, analyser la situation sans chauvinisme mais avec réalisme, certains articles de la loi des hydrocarbures de janvier 2013 ( le cours à l’poque dépassait les 100 dollars le baril) qui ne sont plus appropriés par rapport au nouveau contexte mondial notamment le volet fiscal ou il est prévu à partir de 30 dollars un taux progressif d’imposition. Or, avec. la baisse drastique du prix du pétrole ayant eu comme effet, en Algérie, la réduction de la dépense publique via la baisse des recettes d’hydrocarbures de plus de 40%, les sociétés étrangères face à un cours fluctuant entre 50/65 dollars deviennent plus exigeantes dans le choix des opportunités disponibles à travers le monde surtout avec les nouvelles découvertes et les nouvelles technologies.
Troisièmement, d’où l’importance de la mise en place, d’un cadre institutionnel clair loin des contraintes bureaucratiques étouffantes, en termes de sécurité des investissements, ce qui pose l’urgence d’une cohérence et transparence de toute la politique socio-économique, les investisseurs nationaux ou étrangers voulant voir clair ?
Quatrièmement, pour les petits gisements ( pas les grands gisements) en dehors de la propriété de Sonatrach ( domaines non encore exploitées, et pour les nouveaux projets de canalisations (pas question de toucher aux filiales actuelles propriété de l’Etat ) dont le taux de profit est en moyenne inférieur de 30% par rapport à l’amont, se pose la règle des 49/51% où l’on pourrait imaginer une minorité de blocage de 30%.
Cinquièmement, pour le pétrole et gaz de schiste, dossier sensible, l’Algérie, troisième réserve mondiale près de 20.000 milliards de mètres cubes gazeux, est uniquement en phase de prospection et non d ‘exploitation, pas avant six à sept années, devant tenir compte de sa rentabilité et surtout de la protection de l’environnement( 2)…
Sixièmement, en finalité, le problème posé relevant de la sécurité nationale : quelle nouvelle politique énergétique, quel nouveau modèle de consommation énergétique à un cout concurrentiel posant également la problématique de l’efficacité énergétique et enfin comment adapter la loi des hydrocarbures aux nouvelles mutations.
Aussi, l’Algérie doit prendre en compte, la nouvelle configuration du modèle de consommation énergétique mondial qui se mettra en place 2020/2030, devant éviter de raisonner sur l’image erronée d’un modèle de consommation linéaire. L’entrée de nouveaux concurrents, les nouvelles découvertes et la réduction des couts permises grâce aux nouvelles technologies du gaz de schiste aux USA, ainsi que la baisse de plus de 50% du cout des énergies renouvelables préfigurent d’importants bouleversements du pouvoir énergétique [email protected]
Professeur des universités, expert international Dr Abderrahmane MEBTOUL directeur d’Etudes Ministère Energie-Sonatrach 1974/1979-1990/1995-2000/2006- membre de plusieurs organisations internationales