Dans un entretien accordé à l’agence officielle APS, le ministre de l’Energie et des mines Youcef Yousfi, maintient que les réserves algériennes en hydrocarbures sont renouvelées par de nouvelles découvertes de gisements. Tout le contraire de ce qui alarme les experts pétroliers algériens, tous anciens dirigeants de Sonatrach.
Des spécialistes se sont récemment montrés sceptiques par rapport aux réserves algériennes en hydrocarbures, alors que certains parlent même d’un début de déclin de ces réserves. Est-ce que les découvertes réalisées au cours des dernières années sont en mesure de récupérer ce qui a été exploité durant la même période et aussi de couvrir les besoins du marché ? A combien sont estimées les réserves prouvées de l’Algérie en hydrocarbures ?
M. Yousfi: A l’opposé des énergies renouvelables, et c’est tout à fait naturel, toute ressource fossile, où qu’elle soit dans le monde, s’épuise progressivement au fur et à mesure de son exploitation. C’est la raison pour laquelle les travaux de recherches ne cessent jamais, ces travaux donnent lieu à plusieurs découvertes destinées au renouvellement des réserves. Ceci de manière générale. En ce qui nous concerne, il est donc tout à fait normal que le volume des réserves initialement en place dans les gisements exploités depuis longtemps
observent une baisse correspondant aux quantités extraites. Cependant, et heureusement pour nous, le potentiel en hydrocarbures mis en évidence par les découvertes réalisées représente des volumes cumulés dépassant ceux produits durant la même période. Parallèlement aux travaux de recherche, la plupart des découvertes sont suivies d’un certain nombre de travaux, notamment les forages dits de délinéation.
Le traitement et l’analyse des données générées par ces travaux permettent de réévaluer les découvertes déjà réalisées et l’on aboutit souvent à des résultats différents de ceux annoncés lors de la réalisation de la découverte. Dans certains cas, les volumes obtenus après réévaluation sont plus importants que ceux initialement annoncés.
La production primaire d’hydrocarbures affiche une tendance baissière pour la deuxième année de suite. Est-ce que les hydrocarbures non conventionnels représentent une option sérieuse pour augmenter les réserves nationales et optimiser les niveaux de production sur le court et moyen terme ?
M. Yousfi: Comme je viens de le dire, nous réalisons un nombre de découvertes important et le cumul des réserves mises en évidence augmente. La plupart d’entre elles ne sont pas encore développées. Par ailleurs nous entamons une phase d’intensification de l’effort d’exploitation dans tous les bassins sédimentaires de l’ensemble du domaine minier national d’hydrocarbures, et ceci dans le conventionnel, car, à court et moyen termes, c’est sur ce dernier type d’hydrocarbures que seront consolidés les niveaux de production.
Pour ce qui est des hydrocarbures non conventionnels, nous avons la confirmation de l’existence d’un grand potentiel. Vous avez certainement pris connaissance des publications faites par des bureaux spécialisés internationaux, qui classent l’Algérie au 3e rang mondial en termes de possession de telles ressources et qui rejoignent nos propres évaluations.
Nous ne pouvons ignorer ces ressources naturelles et c’est la raison pour laquelle l’étude de leur développement est inscrite dans notre politique de valorisation des ressources en hydrocarbures. Il en résultera, bien sûr, un apport très important en termes de réserves, dont les volumes s’ajouteront à ceux identifiés sur les gisements d’hydrocarbures conventionnels. Les niveaux de productions observeront une amélioration certaine, au fur et à mesure que les gisements découverts seront développés puis exploités. Ajoutons à cela la mise en oeuvre de technologies performantes qui permettent d’améliorer sensiblement les taux de récupération des gisements, y compris les anciens tel que celui de Hassi Messaoud.
L’Algérie s’apprête à fêter le 43e anniversaire de la nationalisation des hydrocarbures une année après l’attaque terroriste qui a visé le complexe gazier de Tiguentourine. Qu’est-ce que représente la date du 24 février ? Peut-on affirmer que les effets de cette attaque sont déjà dépassés ? Est-ce que les partenaires étrangers de Sonatrach sont aujourd’hui convaincus par le fait que l’Algérie est capable d’assurer, elle seule, la sécurité de ses installations énergétiques?
Effectivement, nous sommes à la veille d’un grand et heureux événement qui est la célébration, le 24 février, du 43e anniversaire du recouvrement de la souveraineté nationale sur le secteur des hydrocarbures. La prise de contrôle des gisements d’hydrocarbures par notre pays a amené alors la compagnie nationale Sonatrach à relever les défis qui s’imposaient et elle est aujourd’hui une compagnie totalement intégrée de l’Amont à la commercialisation. Elle réalise des performances appréciables et les résultats de l’année 2013, notamment en matière de renouvellement des réserves, sont très prometteurs.
Pour ce qui est de la sécurité des complexes de production d’hydrocarbures et en particulier du complexe gazier de Tiguentourine, nous savons que les techniciens et experts étrangers travaillant sur les sites de production, ainsi que les compagnies, sont soucieux, autant que nous, des conditions sécuritaires. A cet effet, et bien que je me sois déjà exprimé à plusieurs occasions sur ce sujet, nous réitérons et confirmons que les services de sécurité algériens déploient tous les efforts nécessaires, humains et matériels, afin que toutes nos installations, ainsi que le personnel y travaillant, soient parfaitement sécurisés. Le redéploiement de ces efforts ne concerne pas seulement le champ de Tiguentourine, mais toutes les installations énergétiques du pays. Des mesures spécifiques sont donc prises par les autorités afin d’éviter qu’une telle tragédie ne se reproduise à l’avenir, et de fournir aux partenaires une assurance maximale dans le domaine de sécurité de leur personnel.
Plusieurs gisements non conventionnels sont mis en concurrence dans le cadre du 4e appel d’offres international pour la recherche et l’exploitation d’hydrocarbures lancé récemment par l’agence ALNAFT. Est-ce que ces gisements connaîtront un engouement de la part des compagnies étrangères ? Et quelles sont les perspectives de développement des hydrocarbures non conventionnels à court et moyen termes en Algérie par rapport au contexte économique et technologique actuel ?
Effectivement, une des principales nouveautés de ce 4e appel à la concurrence porte sur les objectifs pétroliers des 31 périmètres proposés,
parmi lesquels certains recèlent des ressources combinées conventionnelles et non conventionnelles. Pour avoir un idée sur l’engouement des compagnies pétrolières étrangères, il faut noter que dès la publication des amendements qui donnent le nouveau cadre légal régissant les activités d’hydrocarbures, plusieurs compagnies ont fait part de leur intérêt à participer au prochain appel à la concurrence et donc d’avoir accès aux données existantes sur les blocs mis en compétition.
Le nouveau cadre légal offre effectivement des mesures incitatives pour leur permettre de s’engager dans toutes les thématiques proposées, qui portent soit sur les hydrocarbures non conventionnels, soit dans des zones connues pour la complexité géologique de leurs formations, ou encore celles manquant d’infrastructures.
Pour ce qui est du contexte économique et technologique, il est clair que seules les compagnies disposant d’une expérience et de moyens technologiques et ayant prouvé leur capacité à opérer dans de telles thématiques à travers le monde, seront admises pour la recherche et l’exploitation des hydrocarbures notamment les non conventionnels en Algérie. Le risque exploration est bien entendu pris par l’opérateur.
D’autre part, il y a lieu peut être de rappeler, qu’avant d’engager des travaux physiques dans un périmètre, les compagnies engagées dans de tels projets étudient toutes les données disponibles et réalisent une évaluation économique du projet. C’est cette dernière qui permet à une compagnie donnée de s’engager dans un contrat de recherche et/ou d’exploitation, en apportant les investissements nécessaires à consentir.
Quand est-ce qu’est prévu le démarrage de la production d’hydrocarbures offshore en Algérie ?
Des travaux de prospection et de recherche sont déjà entamés sur la côte algérienne et sont appelés à s’intensifier dans les prochaines années. Une fois les études et les travaux en cours achevés, ils permettront de déterminer le potentiel d’hydrocarbures en place et de dégager des leads et des prospects.
Ce sont des résultats de ce type qui serviront de base pour la sélection de périmètres offshore. Des travaux de forages et de sismique complémentaires seront alors lancés dans le but de réaliser des découvertes, et la délinéation qui suivra permettra de connaître l’étendue et les réserves éventuelles de chaque gisement mis en évidence. Le début de la production en offshore doit donc passer par toutes ces étapes, auxquelles s’ajoutent les opérations de réalisation de plans de développement.
Ce qui est certain c’est que toutes les opportunités qu’offre notre domaine minier offshore seront explorées dans le perspective de la mise en évidence de son potentiel et de l’exploitation de ses gisements.
Parallèlement au renforcement des capacités nationales de raffinage, le groupe Sonatrach s’est lancé dans un ambitieux programme de développement de l’industrie pétrochimique. Quelles sont les principales actions prévues dans le cadre de ce programme ainsi que les objectifs visés ?
Le développement de la pétrochimie en Algérie, s’inscrit dans le cadre du plan d’actions du gouvernement qui a pour objectif essentiel de renforcer le tissu industriel national. l’ambitieux programme que notre secteur a initié vise d’une part à maximiser la plus-value des produits de la transformation des matières premières et d’autre part, bien sûr, à satisfaire les besoins du marché national en produits pétrochimiques.
Tous les projets sont conçus dans une optique d’intégration optimale et évolutive des produits qui seront fabriqués et contribueront par la même, comme je l’ai dit précédemment, à la diversification du tissu industriel national à travers le développement de PME/PMI publiques et privées et par conséquent induiront la création de milliers d’emplois. Ce programme sera réalisé en partenariat avec acquisition de savoir-faire et transfert de technologie de nos partenaires.
A titre d’exemple, les études de faisabilité, pour certains projets de taille mondiale tels que le projet de Skikda bis et celui prévoyant la fabrication de polypropylène à partir de propane, et qui seront développées en partenariat avec de sociétés de renommée internationale, ont été achevées. Des investissements de plus de 20 milliards de dollars seront nécessaires pour la concrétisation des projets déjà identifiés. Par contre les projets adossés aux nouvelles raffineries, en cours de maturation, n’ont pas encore été évalués. Il faut aussi noter que les projets initiés dans le cadre de partenariat, bénéficieront des avantages de l’ANDI. La concrétisation de ces projets, offrira sans nul doute une opportunité réelle pour, non seulement développer un pan important de notre économie, mais aussi réduire les importations et accéder au marché international.