L’Institut de prospective économique du monde méditerranéen (IPEMED) a commandé une étude sur le commerce électronique au Maroc, en Tunisie, au Sénégal et en Côte d’Ivoire, dont les résultats préliminaires soulignent le peu de données homogènes, couvrant le commerce électronique et ses trois piliers que sont le numérique, les paiements électroniques ainsi que la distribution.
L’étude constate des disparités importantes entre les pays, notamment entre ceux d’Afrique du Nord où le taux de bancarisation est élevé et ceux d’Afrique sub-saharienne où le paiement par mobile est nettement plus développé.
Au Maroc, la plateforme multicanal Fatourati, permet à tout émetteur de créances ou fournisseur de produits ou services de diversifier ses canaux d’encaissement en les étendant à l’Internet, au guichets automatiques bancaires (GAB), aux téléphones mobiles dotés de service de paiement, aux centres d’appel et aux points de vente équipés de terminaux ad hoc. La Banque centrale a déjà autorisé trois plateformes de monétique et cinq plateformes de prestataires de service de paiement (PSP). S’agissant des paiements mobiles (mobile money), ils sont autorisés depuis 2013, pourtant ils se développent peu puisque, d’après le régulateur, seulement 2% des marocains affirmaient avoir utilisé le service de m-paiement en 2012.
En Tunisie, deux principales plateformes de paiement sont opérationnelles. La plateforme ClickToPay de la Société monétique tunisienne, et la plateforme e-Dinar de la Poste Tunisienne. Les paiements par mobile n’y sont pas encore autorisés mais un accord entre les banques et les opérateurs de télécommunication permet néanmoins aux tunisiens d’effectuer des mouvements de leur compte bancaire par leur téléphone mobile (mobile banking). Cette situation devrait évoluer dès lors que les nouveaux statuts de la Banque centrale lui permettront de réguler les opérateurs de paiement par mobile qui n’entrent pas actuellement dans son champ de compétence.
En Afrique de l’Ouest, il existe déjà une certaine intégration régionale dans le domaine financier par le biais de l’Union monétaire ouest africaine (UEMOA) qui dispose d’un cadre législatif commun et d’organismes communs comme la banque centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest (BCEAO) qui joue un rôle de fédérateur et d’impulsion de l’interbancarité régionale. La gestion du système est assurée par les banques au travers de deux structures privées communes. Il s’agit tout d’abord du Groupement interbancaire Monétique de I’UEMOA (GIM-UEMOA), créé en 2003 pour assurer la gouvernance du système puis du Centre de Traitement Monétique Interbancaire de I’UEMOA (CTMI-UEMOA) crée en 2005 pour assurer la gestion des moyens techniques communs et rendre opérationnel le système afin de réduire les coûts et de garantir les qualités des produits. A l’issue de négociation avec les émetteurs internationaux ces derniers ont donné leur accord pour une acceptation mondiale de cartes bancaires régionales UEMOA si bien qu’il existe un écosystème vertueux réunissant les acteurs concernés.
L’écosystème d’Afrique de l’ouest
Au 3l décembre 2013, le GIM-UEMOA avait agréé cent huit (108) établissements bancaires pour délivrer des cartes bancaires, avec les résultats ci-dessous :
S’agissant des paiements par mobile, nous disposons de quelques données intéressantes par pays. Au Sénégal, le taux de bancarisation était de 16,40 % en décembre 2014. À côté des banques traditionnelles, on retrouve une pléiade d’institutions de microfinance (ou système financier décentralisé, SFD) qui répondent aux besoins en financement de 16,21% de la population non bancarisée, ce qui en fait un mode non négligeable d’accès aux services financiers. En 2013, on dénombrait 18 banques pour 383 institutions de microfinance situées principalement à Dakar et à Thiès17. Profitant du boom de la téléphonie mobile, le mobile banking s’installe progressivement dans le pays grâce aux services financiers innovants proposés par les opérateurs de téléphonie, les banques commerciales, les SFD, les émetteurs de monnaie électronique non bancaires, etc. Les solutions sont nationales et régionales pour certaines avec des grands noms comme Yobantel, Orange Money, Tigo cash, Mobile Cash, W@ri, Joni-Joni. En termes de résultats, il y avait environ 1,5 millions de clients enregistrés avec un compte mobile en mars 2014, ce qui est encore faible par rapport aux 14 millions d’habitants du pays.
En Côte d’Ivoire, le taux de bancarisation était de 16,49% en 2014, contre 7,35% en 2009. D’autres solutions que les transactions bancaires sont identifiées en Côte d’Ivoire, ainsi qu’il ressort d’une étude menée dans le cadre du « Partenariat pour l’inclusion financière » qui est une initiative conjointe de I’IFC et de la « MasterCard Foundation » pour développer la microfinance et promouvoir les services financiers mobiles en Afrique sub-saharienne. Il apparaît là aussi que le taux de bancarisation n’est pas représentatif de l’inclusion financière sachant que les Ivoiriens disposent de 6,17 millions de comptes financiers sur mobile (mobile banking), de 2,81 millions de comptes bancaires et de 1,30 millions de comptes de microcrédit. La Côte d’ivoire est également active en matière de paiement et d’accès aux comptes bancaires par mobile avec des services comme Mobile Money, e-Tranzact, W@ri, et des acteurs comme Ekobank et Paypal. Les quelques 2 millions d’utilisateurs de services financiers mobiles en Côte d’Ivoire ont effectué environ 66 millions de transactions pour un montant de 1.300 milliards de francs CFA, soit près de deux milliards d’euros. Mais à y regarder de plus près, il apparaît qu’en dehors de l’achat de minutes téléphoniques, et du paiement des factures, le mobile money sert assez peu aux paiements.
S’agissant des autres pays, on y trouve des acteurs spécialisés comme Visa, Mastercard et Paypal, mais également des opérateurs de téléphonie mobile et des banques, de plus en plus multinationales panafricaines. En fait, ce sont surtout les accords entre ces différents acteurs qui permettent d’offrir des services de paiement électroniques performants aux Africains.
(*) Alain Ducass, expert international de la transformation numérique de l’Afrique
Article publié dans CIO MAG, juillet/août 2015