L’Administration algérienne ne s’intéresse pas aux logiciels gratuits Open Source. Plus de cinq ans après l’élaboration du projet e-Algérie, qui prévoyait l’introduction graduelle de l’Open Source, aucune démarche concrète n’a été menée. L’informatique dans des institutions stratégiques continue à fonctionner avec des logiciels propriétaires fermés.
Suite à un accord avec l’Office national des droits d’auteurs (ONDA), conclu en février dernier, Microsoft, via sa filiale algérienne, compte sévir contre le piratage de ses logiciels qui occupent plus de 90% du parc informatique algérien, notamment celui des administrations et des entreprises, publiques et privées. L’ONDA parle de « plan d’action » s’articulant autour de la « sensibilisation » et la « répression » des infractions et délits d’atteintes aux droits d’auteur. Cette action sera coordonnée « avec les services de sécurité, DGSN, Gendarmerie et Douanes algériennes », avait-il annoncé, lors de la signature de l’accord avec Microsoft Algérie. Les opérations de sensibilisation et de contrôle des logiciels Microsoft seront menées dans entreprises et des administrations.
Que Microsoft, le fournisseur n°1 mondial des logiciels PC, défende sa « croûte », n’a rien d’anormal. Que l’ONDA s’occupe de lutter contre les atteintes aux droits d’auteurs, c’est sa raison d’être. Mais que l’Administration, et les autorités algériennes, en général, n’engagent pas une politique franche pour l’introduction des logiciels libres, Open Source, est, pour le moins, incompréhensible. Surtout quand on sait que des gouvernements de pays occidentaux comme la France, émettent des « orientations pour l’usage des logiciels libres dans l’administration ». Et pourtant, en 2008/2009, lors de l’élaboration du programme e-Algérie, les rédacteurs avaient prévu l’introduction progressive des logiciels libres, avec des étapes précises touchant à l’ensemble des utilisateurs, en passant par l’administration, les écoles, et les entreprises.
Les logiciels libres pour réduire l’achat des licences
Selon, Younes Grar, expert en nouvelles technologies, et un des rédacteurs du programme e-Algérie, dès 2008/2009 il avait été proposé « une migration soft vers le libre », surtout dans « les secteurs stratégiques ». Une migration « par étapes » avec maintient des « deux solutions » (Windows et Open Source), le temps de « bien se préparer » à un passage total aux logiciels libres. Le projet y voyait une nécessité « d’indépendance à l’égard des grands éditeurs » mais également un pas vers la « sécurité des réseaux ». « Dans un premier temps, nous avions suggéré d’impliquer les universités, et même les lycées. Parler des logiciels libres, pour que les futures générations d’utilisateurs soient mieux informées des possibilités qui s’offrent à elles en matière de systèmes d’exploitation et de logiciels informatiques. Il était aussi question d’encourager des projets de fin d’études à l’Université orientés vers les applications Open Source. Le projet consistait à former les compétences, pour mieux maitriser le passage, et de ne plus rester enfermés dans les logiciels propriétaires dont on ne connaît pas les fonctionnalités cachées », explique M. Grar.
Les logiciels Open Source peuvent être aussi « généralisés aux cybercafés privés et même ceux des universités, pour que les usagers s’habituent à aux standards ouverts contrairement aux logiciels propriétaires de Windows » (le système d’exploitation le plus communément utilisé par les détenteurs de PC), ajoute notre interlocuteur. « Car, explique-t-il, dans un cybercafé ou pour un usage général, on n’a pas besoin de beaucoup de logiciels. Des applications pour gérer la connexion Internet, des navigateurs, et des traitements de texte, des tableurs, et autres logiciels, on en trouve beaucoup (comme OpenOffice). Ce sont d’ailleurs les mêmes logiciels dont a besoin l’Administration pour fonctionner convenablement ». Pour Younes Grar, « on peut encourager les Administrations à aller vers les logiciels libre pour réduire les achats de licences Windows et autres logiciels propriétaires ». Selon lui, c’est un cercle vicieux, surtout lorsque les administrations sont appelées à « changer d’équipements », ce qui signifie « d’acheter de nouvelles licences ».
La 3G, une occasion pour renouer avec le « libre »
L’étape suivante, c’est d’aller « vers des logiciels personnalisés », notamment pour la « comptabilité, la gestion des ressources humaines, de clientèles, de projets, de stocks et autres applications ». Ces logiciels existent dans l’Open Source, même si certains sont payants, mais dont on « connaît le fonctionnement », puisque l’éditeur délivre le code source, avec en plus la possibilité de « les modifier ou les customiser en fonction des besoins », ajoute M. Grar. L’idéal, estime notre interlocuteur, « c’est d’encourager les compétences algériennes à éditer ces logiciels », en leur exprimant des « besoins précis », notamment en matière « d’assistance ». « Car, il y a un problème qui se pose dans l’Open Source, qui est celui de l’assistance. Par exemple, sous Windows, on retrouve facilement les drivers et autres utilitaires pour scanners et imprimantes, ce qui n’est pas le cas pour les logiciels libres. Un travail doit être fait en ce sens pour encourager les développeurs algériens à constituer en petites entreprises pour s’engager dans l’Open Source », affirme encore M. Grar. Selon lui, des ébauches d’expériences ont été entamées, il y a quelques années, mais qui n’ont pas été menées à maturation. « Nous avions contacté une jeune entreprise algérienne qui avait développé une distribution du système d’exploitation Linux, destinée à l’environnement national (acceptant notamment les langues Arabe et Amazigh). On avait démarré avec l’entreprise pour qu’elle développe davantage cette distribution, qui contenait une bonne partie des logiciels dont ont besoin les utilisateurs en Algérien (traitement de texte, tableur, browser, communications… etc.), d’en faciliter l’installation, et de faire le suivi et la formation. » L’expérience n’a pas été suivie. Le projet a été abandonné et l’entreprise n’a pas fait long feu, faute de commande consistante. Cependant, explique notre interlocuteur, avec l’avènement de la 3G, il y a des possibilités qui s’offrent à l’Algérie de consacrer une politique d’encouragement des logiciels libres. Pour cela, une volonté claire doit être affichée à travers des démarches précises…